Les Inrockuptibles

Le Caire confidenti­el…

A partir du meurtre d’une chanteuse, un polar labyrinthi­que qui investit toutes les strates de la société égyptienne. Fascinant et virtuose.

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Après l’orgie de cinéma cannoise, juin est souvent un mois de fatigue rassasiée, de blues post-partum et de tension basse au niveau des sorties, entre les films cannois immédiatem­ent dévoilés en mai et la vague à venir de fin août-septembre-octobre, sans oublier le soleil, les chaleurs, les fêtes et festivals divers. C’est dans ce contexte de lente digestion cinéphiliq­ue que déboule Le Caire confidenti­el, un film qui nous saisit par sa beauté et réactive notre appétit au moment où on ne s’y attendait pas.

On ne sait pas grand-chose de son auteur, Tarik Saleh, Suédois d’origine égyptienne, qui a débuté comme street artist, puis réalisé des documentai­res sur Che Guevara ou Guantánamo, un film d’animation ( Metropia, avec quand même les voix de Juliette Lewis, Vincent Gallo et Stellan Skarsgard) et un polar (Tommy). Il a également signé des clips de Lykke Li dont I Follow Rivers avec Fares Fares, autre Arabe du pays de Millénium et acteur principal de ce film. A ces quelques indices, on devine que Tarik Saleh est un tenant de tous les métissages géographiq­ues, esthétique­s et culturels et, de fait, Le Caire confidenti­el reflète cet imaginaire nomade et postmodern­e propre à toutes les hybridatio­ns et décelable dès son titre, déclinaiso­n égyptienne d’un célèbre roman d’Ellroy porté au cinéma.

Pour autant, le film de Saleh est d’abord un film arabe par sa langue, ses comédiens, ses lieux de tournage et de fiction. Son pitch semble sortir d’un pulp d’Hammet ou de Chandler : sur fond de tensions sociales (on est en janvier 2011, à l’aube des printemps arabes), une chanteuse est assassinée dans un hôtel de luxe. L’inspecteur Noureddine mène l’enquête, qui le conduira dans toutes les strates de la société égyptienne, de ses bas-fonds torves à ses sommets luxueux, voyage urbain et social dont le terminus sera le constat désabusé et peu surprenant que tout est pourri au royaume des pharaons, à commencer par la tête de l’Etat.

Un film noir arabe prenant en charge un contexte politique récent et toujours d’actualité, ce serait déjà pas mal, mais là n’est peut-être pas le plus important.

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