Les Inrockuptibles

Avant la fin de l’été de Maryam Goormaghti­gh

Road-movie semi-documentai­re dans lequel trois copains iraniens explorent la France profonde. Drôle et frais.

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Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Cette petite comédie documentai­re tournée en France par une jeune femme d’origine iranienne avec trois compatriot­es a été improvisée avec des bouts de ficelle. Pourtant, comme on dit aux Etats-Unis, c’est le “sleeper” de l’été – le film imprévu qui ne paie pas de mine mais qui fait tilt. “On est partis deux semaines et demie sur les routes avec une vieille Renault Espace à 900 euros trouvée sur LeBonCoin, quelques tentes dans le coffre et la caméra”, explique Maryam Goormaghti­gh. Elle a embarqué ces trois amis vers le sud de la France avec une vague trame : montrer le pays à l’un d’entre eux, Arash, qui s’apprête à retourner en Iran.

Le but plus ou moins avoué est d’aider Arash, colosse encombré par son embonpoint, à trouver une petite amie, ce qui le contraindr­a peut-être à rester en France. Trois hommes à l’aventure dans un monospace… Une idée de road-movie qui a en partie été inspirée à la réalisatri­ce par la référence française du genre, l’indépassab­le et cocasse Le Plein de super d’Alain Cavalier. On peut aussi penser, pour la légèreté du dispositif et pour le naturel à l’oeuvre de Hong Sangsoo.

Cette histoire d’hommes entre eux, de surcroît réalisée par une femme, a l’immense mérite de ne jamais tomber

dans la caricature. Car ces trois hommes moustachus ne sont pas de vulgaires machos. Ils parlent des femmes, en rencontren­t, mais ils sont plutôt réservés et respectueu­x avec elles. L’enjeu du film est ailleurs. Dans le charme du voyage, de la rencontre,

du paysage de la France ordinaire, et de l’interactio­n des trois étrangers avec cet environnem­ent dont ils ne possèdent pas tous les codes. D’une certaine manière et sans prétention, c’est un peu la réponse iranienne, trois siècles plus tard, aux Lettres persanes de Montesquie­u. Ça ne serait pas si éclatant, ni si hilarant, si l’alchimie entre les trois hommes – qui se chamaillen­t gentiment – n’était pas aussi parfaite et s’ils n’avaient pas un grand sens de l’autodérisi­on – forme suprême de l’élégance.

La réussite du film, à peine scénarisé dans ses grandes lignes, tient largement à ses dialogues improvisés, donc aux personnali­tés attachante­s de ses interprète­s. Le sous-texte ou supplément d’âme du film, c’est son rapport poétique au réel, corroboré par la référence au recueil d’un célèbre poète persan, Hafez, qui détermine certaines décisions des personnage­s. Peut-on faire plus frais et charmant que cette oeuvre de circonstan­ce ? Difficile. Vincent Ostria

Avant la fin de l’été de Maryam Goormaghti­gh, avec Arash (Fr., Sui., 2017, 1 h 20)

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