Les Inrockuptibles

“on est tous à poil”

Quand il ne tourne pas, il réalise des dessins érotiques, rassemblés dans un ouvrage, Pulp. Alors que des avions pré-14 Juillet passent au-dessus de nos têtes, l’acteur se désape.

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Vous citez Crumb comme influence… Romain Duris – J’aime bien ses dessins parce que ça avance. C’est comme le rap, c’est entreprena­nt, ça m’évoque des images. C’est drôle, sexy, ça se moque, ça ne se prend pas au sérieux, c’est une image de la vie, de l’Amérique, des grandes femmes, des petits bonshommes maladroits. J’aime l’homme qui est totalement subjugué par son propre désir et qui va en être malade, esclave de son désir et dans quelle situation ça le met. C’est le retour à la nature animale ? Dessiner des corps qui s’enlacent, c’est une porte d’accès pratique pour moi. Bam , il y a un truc évident, un désir spontané. Je suis plein de vie, je ne pense pas être un obsédé sexuel mais j’ai plein de désirs. Donc dès que je dessine des gens qui s’embrassent, ça me parle.

Il y a souvent plusieurs personnage­s enlacés…

Bah, on est beaucoup non ? Ha, ha !, faut caser tout ce monde ! Il y a pas mal de seins… Ha, ha ! J’adore dessiner les seins. J’adore les ombres, les volumes, le clair, l’obscur, les contrastes. Les drapés aussi, dans la peinture italienne. Les seins, c’est rond. C’est l’objet du désir, l’objet maternel. Une image érotique ? Persona de Bergman, je crois. Une maison de vacances à la plage. Il y a une femme qui fait l’amour avec un homme, puis un autre, et ça la libère. C’est une manière, hein !, pas le schéma. C’est la liberté du moment. Vous êtes fasciné par les femmes ? Par les hommes aussi. Je suis fasciné par la sensualité en général, sinon je ne serais pas comédien. On joue avec le physique, avec des sensations, des façons de se regarder, de se toucher. Il y a des films avec plus de texte. Mais à la base, il y a toujours l’homme nu et comment il bouge.

Ça ne vous pose pas de problème de vous mettre nu ?

Se mettre nu chez Tony Gatlif, non. Il filme la vie, une pureté. Il tourne le dos à la carte postale. Qu’est-ce que d’un coup je vais dire : “Oh non ! Tony, ça m’embête que tu montres mon cul” ? C’est une façon d’être libre. C’est comme Klapisch qui détourne une dispute en filmant un couple courant à poil dans les rues de Paris, je ne vais pas lui dire : “Je peux garder mon caleçon APC ?” Il y a une préparatio­n avant ? Ha, ha, mais non ! Se mettre nu, c’est simplement lâcher prise. On est tous à poil, faut arrêter. La nudité, c’est pas grave. Après, c’est magnifique qu’on puisse jouer avec. Se désaper, c’est sublime que ça puisse faire rêver.

Il y a des livres qui vous ont fait de l’effet ?

Bukowski quand j’étais ado, il y a plein de passages qui m’ont excité. C’est parfois cru, mais pas vulgaire. Je trouvais qu’il y avait une âme derrière. Vulgaire,

c’est quand c’est gratuit. Le porno. Le fake quoi, le bling-bling. Quel est votre souvenir de 17 fois

Cécile Cassard ? Il y avait Béatrice Dalle ! Elle me touchait, cette fille. Je l’observais. Comment elle susurrait ses mots, très élégante, très sexy. Une espèce de figure iconique. Un très beau morceau de rock aussi, sur lequel on dansait à un moment dans le film, Pretty Killer. L’apparence physique, c’est important ? Je reviens de Rome où j’ai tourné un film avec Ridley Scott et le touriste n’est pas sexy ! Et Rome ? Oh ouais, super sexy, mais trop de touristes avec des casquettes et des shorts. Rome, c’est super la nuit, quand les rues sont vides, qu’il fait chaud, on se balade et là on voit les pavés, les éclairages orangés. Pitié, Anne Hidalgo !, qu’elle ne change pas nos éclairages parisiens par des LED, on serait mal ! Et la nuit, c’est sexy ? Le jour aussi est sexy. Ce sont des moments. Parfois, on ne s’y attend pas, on sort de chez soi, et paf !, un truc sexy nous tape sur la gueule. C’est comme ça. C’est pas forcément une image. Peut-être le climat, ce dont on a rêvé la nuit, ce qu’on va faire le soir… Il y a du hasard dans le sexy, non ? En tout cas, nos iPhone ne sont pas sexy ! Ces objets ne savent pas vieillir. Un livre, ça vieillit, c’est beau. Ça va devenir banal, ces objets. On ne fait pas gaffe, je trouve. On n’est pas dans une période sexy. Les bagnoles, les scooters, les objets du quotidien ne sont pas sexy. Les Cadillac, ça c’était sexy, les rondeurs !

C’est peut-être la nostalgie qui rend sexy ?

Peut-être, sauf que je vous défie de trouver le scooter à trois roues sexy dans cinquante ans ! Je ne crois pas que l’ancien soit plus sexy. Il y a un truc futuriste sexy aussi. Wall-E, il est sexy non ? Et les Daft Punk alors, ils sont pas sexy ? propos recueillis par Carole Boinet

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