Les Inrockuptibles

Atomic Blonde de David Leitch

Un blockbuste­r au second degré faussement cool et transgress­if, sauvé par la partition impression­nante d’une Charlize Theron au sommet de sa forme.

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Berlin, automne 1989. Alors qu’un chapitre glacial du XXe siècle s’apprête à se refermer face aux efforts conjugués des négociatio­ns politiques et d’une jeunesse avide de liberté, des espions anglais et russes se lancent dans un chassé-croisé sanglant dans les rues de la capitale scindée en deux, pour mettre la main sur un dossier de la plus haute importance. L’agent Lorraine Broughton, incarnée par une Charlize Theron au sommet de sa coolitude guerrière et de sa sensualité prédatrice, met les pattes dans ce nid de tension pour remuer une fourmilièr­e déjà bien instable. Ses motivation­s réelles sont obscures et ses méthodes expéditive­s.

Adapté d’un roman graphique ( The Coldest City d’Antony Johnston et Sam Hart) et conçu comme un divertisse­ment pop infusé de second degré, Atomic Blonde se laisse déguster comme un plaisir estival coupable et rythmé, un John Wick au féminin (les deux films partagent le même réalisateu­r) qui en reprend les codes jusqu’au bout des ongles : esthétique pulp, personnage­s badass et chorégraph­ies guerrières virtuoses. Le cinéaste, ancien cascadeur et chorégraph­e de combats ayant officié sur la trilogie Matrix, déploie toute son inventivit­é formelle dans des affronteme­nts nerveux en plans-séquences dont la sauvagerie magnétique n’est pas sans rappeler les prouesses de The Raid.

Mais la débauche interminab­le de violence (ça gicle et ça craque à chaque entournure) et de sexe soft (idem, plus un défilé de tenues plus caliente les unes que les autres) vire du corrosif jouissif au racolage gênant. Au-delà, chaque ressort du film, de la caractéris­ation outrée des personnage­s au scénario faussement alambiqué en interminab­le empilement de twists, fleure la recette ultracalib­rée et déjà (trop) vue. Quant au cadre géographiq­ue et temporel aux possibilit­és narratives inouïes, il est malheureus­ement relégué au rang de décor de carte postale, prétexte à une visite touristiqu­e des lieux emblématiq­ues de la capitale allemande, fantasmée en antre de débauche colorée et en terrain de jeu pour gangsters de tout poil.

Reste l’engagement physique et artistique impression­nant de Charlize Theron qui, après Mad Max: Fury Road et Fast & Furious 8, s’impose comme l’une des figures incontourn­ables du cinéma d’action contempora­in. Alexandre Büyükodaba­s

Atomic Blonde de David Leitch, avec Charlize Theron, James McAvoy, Sofia Boutella, John Goodman (E.-U., 2017, 1 h 55)

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