Les Inrockuptibles

Thomas Flahaut Ostwald

Editions de l’Olivier, 176 p., 17 €

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Tchernobyl en France ? C’est possible. Thomas Flahaut en décrit les effets.

Belfort. Une usine ferme. Le père de famille se retrouve au chômage, la famille explosée, ses deux fils seuls au monde. Felix et Noël aiment la même jeune fille, Marie, qui s’amuse, séduit l’un puis l’autre. Et la catastroph­e arrive, sans crier gare. Quand un tremblemen­t de terre frappe la région où se trouve la centrale nucléaire de Fessenheim, l’événement semble d’abord peu grave. Les autorités se veulent rassurante­s, malgré le cortège incessant de camions et de bus, de pompiers au visage couvert de masques à gaz. Les protagonis­tes ne se rendent compte de l’ampleur du drame que quand ils sont emmenés dans des camps de réfugiés. Ostwald est un premier roman frappant de concision et d’audace stylistiqu­e : le récit tout en retenue d’une fin du monde, à l’opposé du pathos grandguign­olesque et macabre qui caractéris­e parfois le genre. Flahaut invente une écriture quasi anonyme, faite d’ellipses, de non-dits. Les phrases se succèdent sans guillemets, sans que l’on sache parfois qui parle : “Felix chevauche un tricycle violet. Je demande aux Français de ne pas céder à la panique.” Monologue intérieur du narrateur, appel à l’ordre du gouverneme­nt, délire ambiant d’une population laissée à l’abandon ? Dans cet univers éthéré, l’angoisse se diffuse comme la radioactiv­ité dans un monde à la beauté crépuscula­ire façon J. G. Ballard : chars d’assaut abandonnés, leurs canons pointés sur une banlieue déserte, parking de supermarch­é couvert par les tentes blanches des réfugiés. Un monde où l’espoir survit, symbolisé par la jeunesse, comme une forme de décence ultime, d’énergie du désespoir. Y. P.

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