Les Inrockuptibles

Patti Cake$ de Geremy Jasper

L’histoire d’une ado blanche qui veut percer dans le rap. Geremy Jasper renouvelle la success-story musicale en l’ancrant dans une Amérique white-trash. Avec la révélation de la jeune actrice Danielle Macdonald.

- Emily Barnett

EN 2002, EMINEM N’A PLUS LA COTE, ses saillies homophobes et son acrimonie envers sa mère ont fini par lasser le public. Pour le relancer, un réalisateu­r, Curtis Hanson (La Main sur le berceau,

L.A. Confidenti­al), a l’idée de filmer sa vie : ce sera 8 Mile, un biopic fictionné à la gloire du rappeur blanc. Patti Cake$ représente un pas de côté par rapport au film musical, où l’on fait jouer à une star de l’industrie son propre rôle dans l’objectif de l’amender. Et si ce premier long métrage devait s’inspirer d’un parcours, ce serait plutôt celui de son auteur, Geremy Jasper, gamin du New Jersey qui a longtemps tâtonné avant de se sentir cinéaste.

Barman dans sa vingtaine et membre d’un groupe de rock, puis réalisateu­r de clips et de publicités, il nous conte ici l’histoire d’une adolescent­e qui rêve de devenir une reine du hip-hop. Or Patricia “Dumbo” Dombrowski n’a pas vraiment la gueule de l’emploi : peau blanche comme du bon lait, visage poupin, longue crinière bouclée, en plus d’un léger surpoids. Ce ne sera pas facile, malgré le talent indéniable de l’héroïne, son sens du flow et ses paroles affûtées qui clouent le bec des garçons crâneurs lors de battles organisées dans le quartier. Pourquoi on rappe ? Pour tromper l’ennui. Fuir l’absence d’horizon. En journée, Patti saute d’un petit boulot à l’autre et peine à payer ses factures. Elle sait que les chances de réussir dans la musique sont maigres : sa mère est un exemple d’échec, la vie-carnage d’une ex-minigloire du glam-rock (ou un truc approchant), bourrée tous les soirs dans le bar où travaille sa fille. Patti Cake$ vaut le coup pour ce tableau d’une Amérique white-trash pleine d’imbécile misère, de poisseuse tristesse, et qui se voit opposer une jeune fille têtue, ses deux copains musicos et sa grand-mère en chaise roulante, qui vont former un groupe.

Un pari tonique et enjoué porté par l’actrice Danielle Macdonald, Australien­ne de 25 ans ayant longtemps galéré avant que son corps cesse d’être un obstacle entre elle et ses rêves de cinéma. Le déclic a eu lieu avec un film invisible en France, Every Secret Thing (d’Amy Berg, avec Dakota Fanning), où elle jouait une ado meurtrière. Geremy Jasper a fait d’elle la révélation du dernier Festival de Sundance. Et Jennifer Aniston vient de lui offrir un rôle dans un long métrage qu’elle produit. L’actrice jouera une ado obèse inscrite à un concours de beauté. Le physique de Danielle interroge, fascine et fait bouger les lignes de cinéma. Ses formes à la Lena Dunham font naître de nouvelles fictions possibles. Patti Cake$ de Geremy Jasper, avec Danielle Macdonald (E.-U., 2017, 1 h 48)

Le physique de Danielle Macdonald interroge, fascine et fait bouger les lignes de cinéma

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