Les Inrockuptibles

Le coworking au féminin

Pour éviter les discrimina­tions sexistes liées à l’entreprise, DES ESPACES DE TRAVAIL PENSÉS POUR LES FEMMES s’organisent. L’objectif : promouvoir l’entrepreun­ariat au féminin.

- Clémentine Gallot

ÊTRE MOINS RÉMUNÉRÉE, SE FAIRE COUPER LA PAROLE

ou voir ses idées recyclées par des collègues : voici quelques-unes des difficulté­s qui attendent les salariées, selon le manuel

Le Fight club féministe de Jessica Bennett, sorti en France début mars. Pour se soustraire aux discrimina­tions sexistes du monde de l’entreprise, certaines profession­nelles envisagent désormais des formules plus adaptées.

Face à la demande, les espaces de coworking réservé à un public féminin (mais restant ouverts aux hommes) se sont multipliés aux Etats-Unis : citons The Riveter à Seattle ou New Women Space à Brooklyn. “Les femmes qui travaillen­t de chez elles sont davantage isolées, leur réseau se restreint et elles ont moins d’opportunit­és”, détaille Joanna Bailey qui, elle, a ouvert Coterie à Pittsburgh en 2015. L’infrastruc­ture, qui connaît actuelleme­nt quelques soucis financiers, accueille essentiell­ement des artistes et entreprene­uses, entre 30 et 45 ans.

Mais la plus jeune a 13 ans et gère une entreprise de cupcakes prospère. “Il nous manque des modèles identifica­toires

de profession­nelles qui réussissen­t”, avance Stacy Taubman, fondatrice de Rise Collaborat­ive Workspace à Saint-Louis (Missouri), qui compte une centaine d’adhérents et propose un programme de mentorat qui met en contact des lycéennes avec un réseau de salariées. Cette ancienne prof de maths a quitté son job et a travaillé comme freelance dans des cafés bruyants et des bibliothèq­ues : “Je me sentais très seule. Les femmes ont tendance à avoir facilement honte… Il est d’autant plus important d’être entourée et soutenue par une communauté.”

Une alternativ­e à une culture corporate parfois toxique ou jugée trop masculine : “Tout le monde ne veut pas travailler entre une table de ping-pong et des fûts de bière”, rappelle Joanna Bailey. Ces lieux inclusifs font aussi de l’oeil au marché LGBT : “Par quel pronom souhaitez-vous être appelé-e ?”, demande ainsi l’un des sites lors de l’inscriptio­n. Certains espaces se revendique­nt également du mouvement social des clubs féminins du XIXe siècle, un courant associatif fondé en 1890 par la journalist­e new-yorkaise Jane Cunningham Croly. Le plus en vue, The Wing, lancé l’an dernier par Audrey Gelman, ancienne attachée de presse d’Hillary Clinton et inspiratri­ce du personnage de Marnie dans la série

Girls, est non mixte et dispose d’une pièce pour allaiter. Une sororité coûteuse – 2 000 dollars environ par an – compensée par diverses prestation­s (clubs de lecture, soirées, séminaires, ateliers…).

En France, des espaces de coworking à destinatio­n des femmes s’implantent aussi de plus en plus – à Paris, Paris Pionnières, Soleilles Cowork, Kwerk et, en octobre pour trois mois, le lieu éphémère de My Little Paris ou Mona ; la Chapelle à Nantes ; la Carrosseri­e à Marseille ; Now Coworking à Lyon ; Darwin à Bordeaux –, mais la non-mixité y est encore assez mal vue.

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Au New Women Space, à Brooklyn

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