Christophe Honoré
Ton père
Mercure de France, 192 pages, 17 €
Dans un texte autobiographique émouvant, le cinéaste raconte combien l’homosexualité est (encore) mal acceptée aujourd’hui.
Il croyait être tranquille. Le narrateur menait une vie douillette entre son travail, ses amis, ses amants, et sa fille de 10 ans qui habite une partie de la semaine avec lui. Mais une insulte griffonnée sur sa porte le renvoie à une violente réalité : tout le monde n’accepte pas qu’on soit à la fois gay et père. Ce livre est publié dans la collection Traits et portraits du Mercure de France, qui implique que le texte se base sur un matériau autobiographique et soit accompagné d’illustrations, de photos, que l’auteur fait dialoguer avec son propos. Avec finesse, le romancier et réalisateur des Chansons d’amour se saisit des contraintes pour construire un récit hybride, essai autofictionnel qui allie réflexions, chronique de sa vie avec sa fille, souvenirs d’adolescence, où il dit beaucoup de lui. Les humiliations vécues dans la jeunesse provinciale surgissent, alors qu’il réfléchit à la notion de paternité. L’envie d’avoir un enfant a, très tôt, été présente chez lui, confie-t-il, et la découverte de son homosexualité n’y a rien changé. Ce qui le conduit à poser des questions sur l’identité – se pourrait-il que les autres le voient d’abord comme un homosexuel ? – tout en décrivant dans de très belles pages son quotidien avec sa fille, entre allers et retours à l’école, préparation des repas et bavardages. Alors Christophe Honoré pousse la réflexion pour tenter de comprendre pourquoi, dans notre société progressiste où l’homosexualité ne fait plus scandale, la paternité des gays continue de heurter. Jusqu’à en arriver au constat, dérangeant, qu’au fond on tolère les homosexuels s’ils acceptent de rester figés dans un ghetto, éternels beaux garçons fréquentant des bars branchés. Pas s’ils viennent aux réunions de parents d’élèves dans l’école communale du quartier. Et lorsqu’il se demande pourquoi le fielleux message anonyme collé sur sa porte l’atteint autant, Christophe Honoré écrit des pages poignantes qui laissent entrevoir toute la violence imposée, encore de nos jours, à celui qui échappe à la norme.