L’ espace du chant
Dans son Così fan tutte, Anne Teresa De Keersmaeker adjoint un danseur à chaque chanteur. Une visualisation des énergies.
Lorsque le public pénètre dans Garnier, il est immédiatement happé par ce white cube qu’est devenue la scène. Une boîte blanche, donc, du sol aux murs, oeuvre de Jan Versweyveld. Exit les fioritures d’autrefois ! La première de Così fan tutte a lieu en 1790. Il s’agit de la troisième – et dernière – collaboration de Mozart avec Da Ponte. L’histoire, concentrée sur une poignée de personnages, voit Ferrando et Guglielmo mettre à l’épreuve la fidélité de leurs aimées. Misogyne, Da Ponte ? Anne Teresa De Keersmaeker réfute cette vision évoquant une forme d’empathie pour le genre humain. Son Così sera, selon ses mots, un “laboratoire
des amants” avec, en point de fuite, un Don Alfonso digne représentant de la philosophie des Lumières. Le coup de génie de cette production est ailleurs : en associant un danseur à chaque chanteur, la Belge prolonge la voix par un geste, le souffle par un mouvement. Avec une distribution vocale plutôt jeune sur le plateau et la précision des interprètes de Rosas – la compagnie d’Anne Teresa De Keersmaeker – ce Così respire un air frais. Le but de la chorégraphe est, encore et toujours, d’organiser des mouvements dans le temps et l’espace. “Et de montrer une énergie qui se matérialise.” Au final tout semble rentrer dans l’ordre. Pourtant, un doute persiste. Et si les amants jouaient leur propre partition ? Così fan tutte est plus que jamais le Mozart des sentiments contrariés.
Così fan tutte musique Wolfgang Amadeus Mozart, livret Lorenzo Da Ponte, mise en scène Anne Teresa De Keersmaeker, direction musicale Philippe Jordan (en alternance avec Marius Stieghorst), jusqu’au 21 octobre, Palais Garnier (Paris IXe)