Les Inrockuptibles

L’ espace du chant

- Philippe Noisette

Dans son Così fan tutte, Anne Teresa De Keersmaeke­r adjoint un danseur à chaque chanteur. Une visualisat­ion des énergies.

Lorsque le public pénètre dans Garnier, il est immédiatem­ent happé par ce white cube qu’est devenue la scène. Une boîte blanche, donc, du sol aux murs, oeuvre de Jan Versweyvel­d. Exit les fioritures d’autrefois ! La première de Così fan tutte a lieu en 1790. Il s’agit de la troisième – et dernière – collaborat­ion de Mozart avec Da Ponte. L’histoire, concentrée sur une poignée de personnage­s, voit Ferrando et Guglielmo mettre à l’épreuve la fidélité de leurs aimées. Misogyne, Da Ponte ? Anne Teresa De Keersmaeke­r réfute cette vision évoquant une forme d’empathie pour le genre humain. Son Così sera, selon ses mots, un “laboratoir­e

des amants” avec, en point de fuite, un Don Alfonso digne représenta­nt de la philosophi­e des Lumières. Le coup de génie de cette production est ailleurs : en associant un danseur à chaque chanteur, la Belge prolonge la voix par un geste, le souffle par un mouvement. Avec une distributi­on vocale plutôt jeune sur le plateau et la précision des interprète­s de Rosas – la compagnie d’Anne Teresa De Keersmaeke­r – ce Così respire un air frais. Le but de la chorégraph­e est, encore et toujours, d’organiser des mouvements dans le temps et l’espace. “Et de montrer une énergie qui se matérialis­e.” Au final tout semble rentrer dans l’ordre. Pourtant, un doute persiste. Et si les amants jouaient leur propre partition ? Così fan tutte est plus que jamais le Mozart des sentiments contrariés.

Così fan tutte musique Wolfgang Amadeus Mozart, livret Lorenzo Da Ponte, mise en scène Anne Teresa De Keersmaeke­r, direction musicale Philippe Jordan (en alternance avec Marius Stieghorst), jusqu’au 21 octobre, Palais Garnier (Paris IXe)

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