Les Inrockuptibles

Sam Fox, l’aventurièr­e

L’héroïne de BETTER THINGS revient avec de nouveaux épisodes, toujours plus fins et féroces.

- Olivier Joyard

AU RAYON DES SÉRIES FÉMININES ENTHOUSIAS­MANTES DE L’ANNÉE

– et il y en a déjà eu beaucoup, de Big Little Lies à The Handmaid’s Tale,

I Love Dick et The Bold Type –, je demande la plus mal élevée et accessoire­ment la plus drôle. Better Things, qui vient d’entamer sa deuxième saison, se démarque en effet des autres par son mauvais esprit, sa tendresse mal foutue, son héroïne aussi inexcusabl­e que souvent accablée par la vie. La brune en question s’appelle Sam Fox, la quarantain­e bien entamée. Comédienne au succès relatif, elle vit à Los Angeles où elle élève ses trois enfants et gère sa mère venue habiter juste à côté. Le bordel en vue est imparable et la comédie, forcément, se drape de tensions dures et durables qui lui donnent une saveur brutale.

Complice de Louis C.K. (elle jouait dans Louie et a cocréé cette série avec lui), Pamela Adlon joue ici l’illusion de l’autofictio­n. L’actrice a toujours admis que cette histoire de maternité féroce et de boulot plus ou moins revigorant était basée sur sa propre vie à la monotonie désormais contrariée par le succès – elle a été nommée aux récents Emmy Awards, sans remporter la statuette.

Adlon se met en scène comme une femme désirante, parfois vulgaire mais aussi largement frustrée – pas de mec fixe – et surtout forcée de faire régner un semblant d’ordre et de bienséance dans un monde qui paraît en manquer. Dans le premier épisode de cette nouvelle saison, Sam rembarre un potentiel jeune et bel amant, dont le frère aîné de 35 ans a le mauvais goût de vivre une histoire d’amour avec sa fille de… 16 ans. Les deux jeunes hommes ne voient pas du tout où est le problème. Sans prévenir, Better Things prend alors une tournure plus noire.

Adlon n’aime, au fond, que les situations anodines qui révèlent douleurs, blessures et violences plus profondes. Mais elle le fait avec un air blasé qui donne à sa série une forme de légèreté grave. Une qualité irrésistib­le sur le long terme mais pas toujours évidente au premier abord. Il ne se passe pas tant de choses que cela dans ces minifilms d’une demi-heure, mais le talent de l’actrice-scénariste-réalisatri­ce est d’en tirer une sève toujours fraîche. Après une petite vingtaine d’années dans l’ombre – elle a d’abord été reconnue comme actrice de doublage pour dessins animés –, Adlon s’affirme maintenant comme une moraliste hors pair. Sa carrière ne fait peut-être que commencer.

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