Les Inrockuptibles

Les fleurs du rap

Entre violence et tristesse, Sarah illustre la dualité de HYACINTHE. Magnifié par une plume et une voix uniques, son rap emprunte à tous les genres.

- Xavier Ridel

ON L’AVAIT SENTI DÈS LE CLIP DE “SUR MA VIE”. Dévoilée en avril, la vidéo montrait Hyacinthe errant en soirée au milieu de ses potes, des représenta­nts d’une scène parisienne en pleine effervesce­nce : les Casual Gabberz, les Pirouettes, Krampf, Jok’Air, L.O.A.S… Autant de noms qui devraient commencer à vous dire quelque chose, tant leur influence se ressent de plus en plus sur la musique française. Là, le visage ensanglant­é du rappeur de 24 ans se voyait illustré par une prod et une rythmique brutales, déchirées entre la trap, le gabber et la pop.

Voilà ce qui fait la force de Sarah. Réunir des courants venus d’horizons différents, parfois opposés, et en homogénéis­er la forme grâce à une plume et une voix aussi singulière­s l’une que l’autre.

Paris, la pluie, les amours déçues, la mort, le père absent…, tout ce qui fait l’essence de Hyacinthe se retrouve dans le disque, sans que le rappeur oublie de se réinventer. D’abord, il troque le masque du second degré contre celui de l’Auto-Tune, qui hante pour la première fois ses mélodies. Un choix qu’il explique en citant, par exemple, Christophe : “Quand on écoute Les Vestiges du chaos, c’est ultramoder­ne. C’est pas du jeunisme, on sent qu’il se sert des techniques contempora­ines parce qu’il aime ça. Et surtout, il n’oublie pas d’écrire de belles chansons.”

La critique pourrait également s’appliquer au jeune rappeur, même si quelques déceptions restent quand même à souligner (notamment le feat. avec son grand pote L.O.A.S, mais nos attentes étaient peut-être trop élevées). Peu importe qu’il chante en piano/voix dans Sur mes paumes (“J’ai peur de ne pas pleurer à l’enterremen­t de mon père”), qu’il gueule sur un synthé trance dans Visions (“L’enfer c’est dans ma tête, c’est pas les autres”) ou qu’il rappe dans Plus de plaies (“Ici les anges suffoquent, en bref j’essaie de faire des trucs beaux avec des trucs moches”), le talent de Hyacinthe est toujours aussi tranchant de sincérité. Et si sa vulgarité semble s’être perdue sur la route de l’âge adulte, si ses mots se sont simplifiés parfois à outrance, ce n’est que pour mieux souligner son propos, souvent bouleversa­nt. Dédié à la fille qui partage sa vie,

Sarah est donc un disque complexe, aux humeurs contradict­oires, oscillant constammen­t entre amour, haine, brutalité, mélancolie, refrains pop et expériment­ations. L’un de ses plus grands atouts est d’ailleurs qu’il est impossible de le ranger dans une catégorie.

Une chose est certaine : Paris a beau être froid et puer la pisse, il aura permis à Hyacinthe de rencontrer des musiciens qui l’auront porté, ici, au sommet de son art. Et rien que pour ça, on n’a pas fini d’arpenter ses ruelles tristes et sombres, avec ce très bel album en repeat dans le casque.

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 ??  ?? Album Sarah (Chapter Two/Wagram Music) Concert Le 12 octobre à Paris (Boule Noire)
Album Sarah (Chapter Two/Wagram Music) Concert Le 12 octobre à Paris (Boule Noire)

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