La chronique des disques en accéléré
Avec un seul titre, CURLS nous permet d’espérer un ep génial, THE MAGIC RAY nous embarque dans la jungle, KING GIZZARD AND THE LIZARD WIZARD adoucissent leurs guitares, GIRLS IN HAWAII finissent par nous avoir, TORRES fait rugir sa voix et MOSES SUMNEY nous file un Xanax.
C’EST “EMOTION”, PREMIER MORCEAU D’UN NOUVEAU GROUPE, Curls, qui passe en boucle dans mon casque cette semaine. Enfin, pas si nouveau puisque son leader n’est autre que Christopher Owens, génie qui sortit des chansons à se rouler par terre avec Girls. Il faudra attendre le 7 novembre pour s’emparer du fruit de sa nouvelle aventure collective : un ep baptisé Vante (Urban Scandal Records).
En attendant, on peut sucer jusqu’à la moelle le premier album de The Magic Ray, nouveau projet du Français Fred Bigot (ex-Electronicat), qui s’emploie depuis près de vingt ans à démontrer que pop et musique expérimentale ne sont pas incompatibles. Preuve en est The Magic Ray, sorti sur le label Dischi Autunno piloté par Jennifer Cardini et Noura Labbani, enregistré et produit à Berlin par Cosmo Vitelli. Transe sonique et psychédélique, l’album invite à une virée dans une jungle fantasmée doublée d’un trip sur la côte californienne, le tout sous influence Zombie Zombie, maîtres ès explorations cosmiques hallucinées. A priori, assez de références en l’espace d’un paragraphe pour vous donner envie de l’écouter. Au rayon acides, King Gizzard And The
Lizard Wizard veulent prouver qu’ils sont capables de sortir cinq albums en un an – et de tenir ainsi leur pari. Voici donc le troisième,
Sketches of Brunswick East, du nom d’un quartier de Melbourne, la joyeuse bande étant elle-même originaire de cette ville, mais du quartier de Carlton. Bref. Apparemment, le titre est surtout un clin d’oeil au Sketches
of Spain de Miles Davis (1960). Les King Gizzi ont décidé de calmer les guitares pour produire un album plus doux, plus pop, plus merveilleux. Inutile de préciser qu’il est moins prenant que leur Flying
Microtonal Banana sorti en janvier (le premier des cinq de l’année), qui nous avait attrapé par les cheveux et fait tournoyer dans les airs jusqu’à oublier notre propre deuxième prénom (c’est une métaphore).
De la même façon que l’on se voyait déjà à genoux devant le King Gizzard, on aurait parié sur un coma prolongé à l’écoute de Nocturne, le nouveau Girls In Hawaii. OK, son nom respire l’ennui et certains titres provoquent le même malaise que celui ressenti à la vue d’un tatouage origami. Et pourtant, il y a Guinea Pig, ballade aérienne qui donne envie de communier avec la nature ou de tomber amoureux, c’est selon ; Walk, excursion club, cheap au premier abord mais dont la ligne de basse et les arrangements boule à facettes nous happent. Et que dire de cette voix, qui n’a rien perdu de sa superbe et plonge notre coeur dans la plus belle des mélancolies…
L’ambiance est beaucoup plus moderne sur Three Futures, troisième album de la jeune Américaine Torres, qui elle aussi fait de sa voix l’élément central de son oeuvre. Puissante mais maîtrisée, jamais braillarde, draguant le grunge comme l’art rock, entre Courtney Love et Anna Calvi (non, n’ayez pas peur). C’est cool en album et ça devrait l’être encore plus sur scène. Rendez-vous au Point Ephémère le 10 novembre. C’est aussi sur la voix que repose Aromanticism, premier album du Californien
Moses Sumney. Cristalline, douce, suave, intime, portée par des mélodies soul hypnotiques rappelant légèrement TV On The Radio en moins dingue (c’est Dave Sitek qui prêta au jeune homme son premier quatre pistes). Aromanticism se veut posé et pur, poétique et bouleversant mais manque tout de même de quelques buvards de LSD. Idéal pour contempler le plafond allongé sur un canapé, en fermant délicatement les yeux.
Albums Vante de Curls (Urban Scandal Records), The Magic Ray de The Magic Ray (Dischi Autunno), Sketches of Brunswick East de King Gizzard And The Lizard Wizard (ATO Records), Nocturne de Girls In Hawaii (Le Label/Pias), Three Futures de Torres (4AD), Aromanticism de Moses Sumney (Jagjaguwar)