Les Inrockuptibles

Quand c’est non, c’est non

- Carole Boinet

Le 16 septembre, alors que le groupe canadien Alvvays est sur scène à Anvers, un homme déboule, essaie d’embrasser la chanteuse Molly Rankin en l’attrapant par le cou, échoue, n’insiste pas, mime la confusion, et disparaît. Sur les vidéos disponible­s sur YouTube, Molly Rankin a l’air décontenan­cé. Il est facile d’imaginer une bande de gros lourds se poussant du coude en se défiant d’aller rouler une pelle à la chanteuse. Loin d’être anecdotiqu­e, l’incident rappelle l’image que se coltinent toujours les femmes artistes, trop souvent déconsidér­ées, ramenées à leur sexualité, forcément passive. En tentant d’embrasser de force Molly Rankin, ce membre du public lui refuse son statut d’artiste, de sujet agissant, lui rappelle qu’elle ferait mieux de satisfaire ses désirs plutôt que de prétendre au rôle de créatrice. En réaction aux critiques quasi unanimes de la presse, des internaute­s se lancèrent dans des considérat­ions sur les groupies. Ces fameuses groupies qui, depuis la nuit des temps, se ruent sur scène pour embrasser de force les musiciens. Cet homme n’était-il qu’un groupie ? Verrait-on du sexisme partout ? A mon avis, on parle peu des groupies hommes car il y en a moins, l’histoire ayant voulu que les hommes tiennent la scène et les guitares et que les femmes se pâment devant eux. Connaît-on vraiment des hordes d’hommes hétéros groupies de Beyoncé ? De PJ Harvey ? De Patti Smith ? Les femmes ont dû se battre pour conquérir la scène, y jouer un rôle actif et non plus passif, gueuler cinq fois plus fort pour qu’on les laisse jouer peinardes ou regarder un concert sans se faire tripoter. Par ailleurs, si l’hystérie des groupies des Beatles pouvait effrayer, rappelons que les femmes sont trois fois plus souvent victimes d’agression sexuelle que les hommes, et que ces derniers forment la grande majorité des agresseurs. Donc ouais, stop aux baisers forcés.

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