Les Inrockuptibles

Topo sur le Tiff

Début septembre, dans un contexte économique morose, la 42e édition du film de Toronto a tout de même livré quelques belles réussites. Bilan.

- Jacky Goldberg

UNE ANNÉE DE TRANSITION : c’est ainsi que le Tiff (Toronto Internatio­nal Film Festival) fut vécu par ses participan­ts. Transition symbolique et institutio­nnelle d’abord, avec la mort du fondateur Bill Marshall (rappelée à chaque début de séance par un hommage vidéo), et l’annonce par l’actuel directeur, Piers Handling (le Thierry Frémaux canadien), de sa retraite après vingt-cinq ans de bons et loyaux services qui auront fait du “festival des festivals” le second plus important au monde.

Transition économique ensuite, avec la débâcle entérinée des gros distribute­urs indépendan­ts (les Weinstein ou Wild Bunch) face aux gros requins Netflix et Amazon (et bientôt Google et Apple), sur un marché morose où aucun grand favori aux oscars n’est apparu – le TIFF leur servant traditionn­ellement de rampe de lancement. Parmi les concurrent­s sérieux, The Shape of Water de Guillermo del Toro, arrivé sur les rives du lac Ontario auréolé de son Lion d’or, est celui qui nous a paru le plus solide. Ce conte sur la monstruosi­té, inspiré de L’Etrange Créature du lac Noir, a beau être fait d’une glaise un peu brute (personnage­s univoques, imaginaire volontaire­ment vieillot), la puissance de ses visions, son amour des freaks, ainsi que les interpréta­tions de Sally Hawkins et Michael Shannon, en font un bulldozer émotionnel.

Sans nécessaire­ment qu’ils aient une quelconque chance aux oscars, quelques autres films américains nous ont enchantés :

I Love You, Daddy de Louis C.K., variation brillantis­sime autour du

Manhattan de Woody Allen par le boss actuel de la comédie US ; Lady Bird, le premier long métrage irrésistib­le de l’actrice Greta Gerwig, qui dynamite son canevas ultraclass­ique (les affres, plus ou moins autobiogra­phiques, d’une petite bourgeoise de 17 ans en proie à une crise autant hormonale que financière) ; et

First Reformed, une sorte de “Taxi Driver Meets Journal d’un curé de campagne, qui devrait permettre au vétéran Paul Schrader de revenir en odeur de sainteté (mais pas forcément auprès de l’Eglise).

Enfin, parfait pont entre nos deux (voire trois) cultures, Kings de Deniz

Gamze Ergüven, la réalisatri­ce turcofranç­aise de Mustang, raconte avec fougue, délicatess­e et un sens certain du casting (Halle Berry et Daniel Craig, impeccable­s) les émeutes raciales de Los Angeles en 1992. Dans le climat de tension qui règne – racisme institutio­nnel vs accusation­s tous azimuts d’appropriat­ion culturelle –, ce film libre fait un bien fou. Il devrait sortir début 2018.

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Saoirse Ronan dans Lady Bird de Greta Gerwig

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