Les Inrockuptibles

Nouvelle Tête

Jusque dans ses peintures, instantané­s de vie où nul visage n’apparaît, cette jeune artiste formée aux Beaux-Arts cultive l’effacement.

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COMME LES PRÉCIEUSES MINIATURES QU’ELLE ACCROCHE DANS LES RECOINS DES SALLES D’EXPOSITION,

Louise Sartor est une présence furtive. De la jeune artiste, née en 1988 et diplômée des Beaux-Arts de Paris il y a tout juste deux ans, on ne saura pas grand-chose de plus. Au détour d’un vernissage, certains auront pu apercevoir sa crinière rose, que l’on retrouvait d’ailleurs, elle s’en amuse, sur la photo d’un reportage du Figaro Magazine sur les Beaux-Arts de Paris.

Il y a quelque chose de très juste à ne connaître de l’artiste que ce signe distinctif : une crinière rose fluo. Car de la même manière, on ne voit des jeunes femmes qu’elle peint qu’un détail, où se concentre néanmoins toute l’intensité de leur présence. Vues de dos, de côté ou au moins de loin, les créatures représenté­es par Louise Sartor s’offrent à nous par l’entremise d’un indice qui est tout autant accessoire qu’extension du corps : un iPhone, un sac griffé, un sweat à message, un manteau de vison rose, une cigarette qui se consume. Les visages de ces représenta­tions, rappelant à la fois les images pieuses et les photos volées de Closer, on ne les voit jamais.

Si Louise Sartor refuse de se mettre en avant, c’est sans doute aussi parce qu’elle a toujours tenté de définir à travers son positionne­ment dans le monde de l’art une voie alternativ­e. Alors qu’elle est encore étudiante, elle codirige l’espace indépendan­t Shanaynay à Paris, autour duquel s’agrège une communauté de jeunes artistes internatio­naux, et se rapproche de Tonus, autre artist-run space parisien, qui l’exposera à plusieurs reprises. A l’ère de l’hypervisib­ilité où Instagram s’est transformé en superpapar­azzi omniscient, Louise Sartor trace en pointillés, par son parcours et ses peintures, une autre manière d’apparaître : choisir ses cercles, s’offrir non pas au plus offrant mais au plus patient.

Alors que la galerie Crèvecoeur, qui la représente désormais, lui offre son premier solo-show, on la retrouvera en octobre au château de Versailles, où elle investira le bosquet de la reine – une évidence. Ingrid Luquet-Gad

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