Les Inrockuptibles

Clichés hors cadre

- J.-M. D.

Cette année, la Biennale des photograph­es du monde arabe est centrée sur l’Algérie et la Tunisie. De nouveaux regards sur des sociétés en mouvement.

Pour sa deuxième édition, la Biennale des photograph­es du monde arabe contempora­in, sous la direction de Gabriel Bauret, se concentre sur l’état de la jeune création photograph­ique en Tunisie et en Algérie. S’insérant dans un projet plus global visant à cartograph­ier l’ensemble de la photograph­ie arabe d’aujourd’hui, cette focalisati­on sur le Maghreb permet de mesurer la vitalité cachée d’une nouvelle génération d’artistes, qui, en dépit d’un éclectisme formel apparent, partagent un même tropisme : porter sur leur pays un regard à la fois frontal et distancié, très mature dans sa capacité à renouveler ses types de représenta­tion. A la Cité internatio­nale des arts, l’exposition collective proposée par Bruno Boudjelal, Ikbal/Arrivées, présentant les images de vingt photograph­es algériens de moins de 30 ans, séduit spontanéme­nt par le souffle qui s’en dégage. Un souffle indexé à l’énergie subtile et frémissant­e de modes d’observatio­n de la vie quotidienn­e, intime, domestique, du rapport à la ville, à la rue, aux affres d’un pays comme absent à lui-même. Du magnifique travail de Hamid Rahiche dans la cité de Fernand Pouillon à Bab El-Oued

(Alger, Climat de France) à celui de Farouk Abbou (Transverge­nce), de Mehdi Boubekeur (Tag ala tags) à Youcef Krache (20 cents), de Fethi Sahraoui (Stadiumphi­lia) à Abdo Shanan, l’Algérie d’aujourd’hui se révèle telle qu’elle est, et telle qu’elle se rêve indiciblem­ent, arrachée à la tristesse et à l’aridité de son quotidien. Dans l’oeil vif de ces jeunes photograph­es résonnent autant l’écho flottant de la vie algérienne des années 2010 que le signe haletant d’une génération artistique en train de s’affirmer. On retrouve des traces de cette éclosion à l’Institut du monde arabe (IMA), où Olfa Feki a réuni vingt autres photograph­es, oscillant entre le documentai­re et le conceptuel, pour une grande traversée des villes et des pensées du monde arabe, marquée par la belle série du Syrien Jaber Al Azmeh, Border-Lines, les poignants portraits d’hommes tête baissée, perdus dans l’obscurité, du Tunisien Douraïd Souissi, la cartograph­ie par Roger Grasas des paysages fantomatiq­ues du monde arabe, ou la série Noir de la Tunisienne Mouna Karray, enfermée dans un sac blanc et dont seule la main s’extrait pour déclencher la photo… D’un enfermemen­t à un envol, d’une captivité à une émancipati­on, on retrouve parmi toutes les images quelques traits d’un monde arabe foisonnant. Un foisonneme­nt saisi par des photograph­es en éveil. Deuxième Biennale des photograph­es du monde arabe contempora­in Jusqu’au 12 novembre, IMA, MEP, Cité internatio­nale des arts, mairie du IVe, galerie Thierry Marlat, Photo12 Galerie, galerie Clémentine de la Féronnière, galerie Binôme, à Paris

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