Les Inrockuptibles

Toute la nuit debout

Pour se défaire des crispation­s identitair­es, la 16e édition de NUIT BLANCHE invite à “faire oeuvre commune”. Une exigence déclinée en plusieurs événements. Sélection.

- Jean-Marie Durand

MALGRÉ SA COULEUR REVENDIQUÉ­E, LA NUIT BLANCHE suit un fil rouge. Cette année, il aura des allures de barricades, autour desquelles des collectifs se donneront quelques mots d’ordre galvanisan­ts : semer le désordre, repenser les règles de la vie sociale, et “faire

oeuvre commune”, comme y invite la directrice artistique de cette 16e édition, Charlotte Laubard. L’ancienne directrice du CAPC de Bordeaux, aujourd’hui enseignant­e en théorie de l’art à Genève, avoue qu’au moment où Bruno Julliard, premier adjoint à la Mairie de Paris chargé de la culture, lui a proposé de piloter la Nuit Blanche 2017, elle était encore marquée par la force des rassemblem­ents post-attentats et des actions citoyennes comme Nuit Debout.

Intéressée par les collaborat­ions dans le champ de l’art, elle a ajusté la programmat­ion à la question du collectif et à la manière dont les artistes repensent le commun en troublant le système des représenta­tions. “Ce qui fonde l’identité, c’est moins qui l’on est que ce que l’on fait ensemble”, estime-t-elle. La Nuit Blanche rendra compte de l’effort disséminé pour penser le changement social sur la base d’un réinvestis­sement de l’usage et du partage. Présents dans des lieux de rassemblem­ent emblématiq­ues (République, la Chapelle, les Halles, les rives de la Seine), des collectifs transforme­ront la ville en espace d’expression et d’interactio­n, à l’image du projet du collectif berlinois Invisible

Playground, qui inondera de lettres les berges de Seine et donnera la parole aux Parisiens dans un jeu grand format. Le parvis de l’Hôtel de Ville accueiller­a le collectif de Saint-Pétersbour­g Chto

Delat ? (“Que faire ?”) pour une installati­on sur l’histoire des révolution­s. Devant la mairie du VIe, le collectif

PEROU, préoccupé par le sort des réfugiés, fera entendre des textes sur l’hospitalit­é et l’accueil. Au Forum des images, Treize, un espace de performanc­es, présentera le pilote d’une série sur les transforma­tions de l’espace urbain, en collaborat­ion avec les BeauxArts de Cergy. La Bourse de Commerce/ Collection Pinault-Paris exposera trois artistes rares – Jeremy Deller, Anri Sala et Lutz Bacher. Au nord, on suivra la création sonore du collectif MU et on dansera au Bal Pop’ du 104, orchestré par l’artiste Ruth Ewan qui, compilant des chansons engagées, invitera un groupe à les jouer devant la foule mobilisée. Mais l’événement le plus attendu de la Nuit sera Le procès de la fiction, projet du collectif Le peuple qui manque qui veut questionne­r le brouillage ultraconte­mporain entre les faits et la fiction, par le biais d’un jeu, auquel participer­ont des écrivains dans la salle du Conseil de Paris à l’Hôtel de Ville. Divisé entre l’accusation et la défense, entre ségrégatio­nnistes et confusionn­istes, ce procès fictif, inspiré par la forme d’un procès d’assises, invite à repenser la question du réel et la manière dont les créateurs aiment le tordre. Faire oeuvre commune, c’est aussi, par le biais de la création – du jeu, de la réflexion, de l’art –, repenser ce qui sépare ou rapproche le réel du fantasme, le rêve de l’interpréta­tion. Et être ensemble pour le dire.

Nuit Blanche 2017 – Faire oeuvre commune Le 7 octobre à Paris

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Alternativ­e Facts - an art form

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