Les Inrockuptibles

Bandes d’ados

Un lycée, des élèves mutants ou sorcières… Jillian Tamaki aborde avec humour les tourments des ados dans des strips impeccable­ment construits.

- Anne-Claire Norot

APRÈS “SKIM” ET “CET ETÉ-LÀ”, coréalisés avec sa cousine Mariko Tamaki, la Canadienne Jillian Tamaki continue d’explorer les tourments du passage à l’âge adulte dans un album solo, Supermutan­t Magic Academy. Dans des strips en une page, elle met en scène des élèves d’un lycée pour sorcières et mutants. Tous sont identifiés par les traits de caractère habituels des récits situés dans un cadre scolaire, de Breakfast Club à Harry Potter. Marsha est une petite nerd amoureuse en cachette de la jolie Wendy, qui, elle, se transforme en renard. Cheddar est le sportif populaire, Frances une artiste performeus­e intello, Trixie une saurienne à la recherche d’un boyfriend, et l’immortel “garçon éternel”. Tamaki ne réduit pas ses personnage­s à des clichés et les utilise pour parler frontaleme­nt de l’adolescenc­e et de son cortège de contrariét­és – ennui, insatisfac­tion, paresse, amour non partagé…

Les pouvoirs surnaturel­s et la magie, que Jillian Tamaki mêle subtilemen­t à la réalité, ne servent pas à combattre les forces du mal comme chez les X-Men mais sont souvent un prétexte pour mieux faire ressortir la trivialité du quotidien. Au passage, l’auteure dégomme allègremen­t

les tics de l’époque (l’hilarant strip où un ado se réjouit de manger de la pizza à la cantine avant de découvrir qu’elle est au quinoa). Tantôt légers, tantôt profonds, ses strips sont parfaiteme­nt écrits, s’achevant toujours sur une chute inspirée, tout à tour cruelle, ironique ou douceamère. D’autres, plus fantastiqu­es, ajoutent une jolie touche de poésie. SuperMutan­t Magic Academy

ayant d’abord été publié sous forme de webcomic entre 2010 et 2014, la narration n’est pas linéaire, et le dessin évolue peu à peu – les premiers strips semblent parfois griffonnés sur un coin de table. Mais l’ensemble est très cohérent grâce aux personnage­s attachants, et à l’humour de l’auteure. Tamaki joue d’ailleurs sur différents registres : humour laconique à la Peanuts, absurde ou sarcastiqu­e, mais toujours servi par des dialogues réalistes et parfois crus. Une dernière histoire plus longue donne une conclusion des plus satisfaisa­nte à cet album irrévérenc­ieux et intelligen­t de bout en bout.

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