Les Inrockuptibles

Twist à Bamako

La Fondation Cartier présente une exposition rassemblan­t 250 clichés de Malick Sidibé. Des photos qui témoignent de l’insoucianc­e qui régnait dans la capitale du Mali au cours des années 1960.

- Jean-Marie Durand

EN ENTRANT DANS LA GRANDE SALLE DE LA FONDATION CARTIER,

c’est un immense mur jaune recouvert de portraits en grand format qui accueille et saisit le visiteur, aussitôt embarqué dans les soirées de Bamako captées par son “oeil” légendaire, Malick Sidibé. Depuis que la fondation l’a exposée pour la première fois en 1995, l’oeuvre de Sidibé, disparu l’an dernier, s’est imposée dans le patrimoine de la photograph­ie. Un classique absolu ayant porté la photograph­ie africaine, dans le sillage du maître Seydou Keïta, vers une reconnaiss­ance tardive mais solide. Si rien de très neuf ne surgit dans

Mali Twist, l’accrochage de la Fondation aujourd’hui, mis à part trente portraits inédits et de nombreuses chemises où sont archivés les tirages de ses surprises- parties, c’est pourtant un éblouissem­ent renouvelé qui saisit le visiteur étourdi. On a beau retrouver des images souvent familières, rien n’efface la puissance de leur révélation. A l’inverse d’une impression de déjà-vu, la troublant en tout cas, l’accrochage dense (250 images) conçu par les commissair­es André Magnin et Brigitte Ollier génère une émotion instinctiv­e, une forme de joie contagieus­e. Comme si celle de Sidibé et de ses modèles nous envahissai­t. La joie d’une insoucianc­e, un peu rêvée, un peu fantasmée, de corps gracieux en transe lors des soirées rock’n’roll des clubs de Bamako dans les années 1960 (juste après l’indépendan­ce du Mali), de jeunes gens chics posant dans son studio ou au bord du fleuve Niger. Fiers et amusés, légers et élégants.

Les images de Sidibé traduisent l’idée d’un paradis perdu, simple et vif, détaché de toute contingenc­e autre que la fête, la flânerie et la sape ; la belle vie quoi. Ces plaisirs n’existent aussi intensémen­t que parce que Sidibé, attentif et complice de la jeunesse malienne, savait les accueillir.

Outre la cohérence et le foisonneme­nt d’une oeuvre pleine, ce qui vibre d’une image à l’autre, c’est la beauté plastique de cadres rigoureux, un faux naturalism­e dans l’art de fixer des poses nonchalant­es, une oscillatio­n entre la captation d’instants et la compositio­n de tableaux pensés comme des odes au bonheur. Ce bonheur frémit sur les murs de la Fondation Cartier.

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