Théo Mercier
Transfuge de l’art venu s’enticher du spectacle vivant, le plasticien THÉO MERCIER persiste et signe. Sa nouvelle pièce, La Fille du collectionneur, continue de révèler l’univers hybride d’un créateur singulier et démiurgique.
Venu de l’art, le jeune démiurge signe son troisième spectacle
AVEC “LA FILLE DU COLLECTIONNEUR”, L’ARTISTE THÉO MERCIER REVIENT POUR LA TROISIÈME FOIS À LA MISE EN SCÈNE. Qu’il s’agisse de son opéra rock
Du futur faisons table rase (2013), avec Philippe Katerine et Sexy Sushi, ou de
Radio Vinci Park (2016), sa performance avec François Chaignaud pour une claveciniste, un danseur et un motard qui ne cesse de tourner dans toute l’Europe, Théo Mercier a déjà transformé par deux fois en succès les défis qu’il se lance sur les plateaux. Tout va toujours très vite pour celui qui commence par travailler avec Bernhard Willhelm sur les robes de scènes de Björk, devient l’assistant de Matthew Barney pour son film opéra River of
Fundament et a signé récemment l’artwork de l’album de Juliette Armanet.
Sa première pièce exposée en 2011, un bonhomme en spaghetti nommé
Le Solitaire, fut immédiatement repérée par le monde de l’art. “Je n’ai jamais connu de période d’apprentissage comme artiste. Même si les spaghettis me collent toujours un peu à la peau, ils m’ont donné le goût d’aller de l’avant. Je me suis fait à l’idée qu’il était dans ma nature de travailler sous le regard du public.”
On s’interroge sur l’origine du désir conduisant le sculpteur trentenaire à s’intéresser de manière récurrente au spectacle vivant. “J’ai toujours mis en scène mes expositions, je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’un manque à combler. Dans mon travail de sculpteur, je me suis toujours attaché à créer une communauté d’objets se réclamant de l’anthropomorphisme, soit dans le corps même de la sculpture, soit dans la manière de la présenter. Si l’objet ne reprend pas les traits du corps humain dans son corps d’objet, j’aime projeter sur lui l’idée chorégraphique d’un péril lié à sa chute ou à son basculement pour qu’il contienne le possible d’un mouvement. Passant de la boîte blanche de l’art à la salle noire du théâtre, je m’aperçois que je fais le parcours inverse en objectivant les corps des interprètes. Ce va-et-vient entre objet-homme et hommeobjet est au coeur de mon approche des deux médias. Au final, je ne ressens pas de bouleversement, je vis ces deux versants de mon travail comme des expériences complémentaires.”
Théo Mercier sait que le thème de sa dernière pièce est un prétexte pour questionner le monde de l’art. Pour éviter une fusion qu’il ne souhaite pas entre ses pratiques, il pose comme préalable qu’il ne sera pas question de donner à voir son oeuvre de plasticien sur le plateau de La Fille du collectionneur. D’où l’idée d’inventer l’épopée esthétique d’un personnage imaginaire à travers la découverte de sa collection. Comme une archéologie de souvenirs, l’enquête multiplie les pistes.
Témoigner de cette existence de fiction se devait de faire appel
à tous les sens artistiques. Il confie la réalisation des sculptures au designer Arthur Hoffner, s’entoure pour les textes de Marlène Saldana et Jonathan Drillet, de François Chaignaud pour la danse et les chorégraphies, de Laurent Durup pour les musiques. “Je construis un monstre en associant les sensibilités de toutes ces mains qui m’entourent. J’aime le côté Frankenstein de rassembler des morceaux épars pour parler
de ce grand absent qu’est le collectionneur dont on dresse le portrait.” Aborde-t-il avec plus de sérénité la réalisation de
cette nouvelle création ? “Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’était une scène quand j’ai conçu en quatre jours Du futur faisons
table rase pour le présenter devant une salle de 1 400 spectateurs. Radio Vinci Park est une performance dont le personnage principal est un parking. Elle ne se joue jamais dans un théâtre. La Fille du collectionneur est peut-être la pièce que j’appréhende le plus de créer, car c’est la première fois que j’ai à ma disposition du temps et des moyens de production. Le pari étant d’utiliser les possibles de la machinerie théâtrale, c’est véritablement une première pour moi.”
Savoir que des spectateurs le suivent dans son travail de metteur en scène est un autre motif d’inquiétude. Théo Mercier résume la situation avec humour : “Jusqu’à présent, j’étais un exotique. C’est toujours plus simple d’être l’oiseau de passage qui réjouit tout le monde. Monter une troisième pièce officialise ma présence. Quand on commence à donner l’impression de vouloir se poser quelque part, on prend forcément le risque que certains se mettent à vouloir vous jeter des cailloux.” Pour l’heure, c’est l’accord parfait dans la volière. Chacun couve La Fille du collectionneur pour en faire une pièce idéale réalisée par une bande de drôles d’oiseaux.