Les Inrockuptibles

Deux pièces de Copi, C’est la vie…

En juillet, le Teatro Nacional Argentino a ajouté L’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer et Eva Perón de Copi à son répertoire. Mises en scène par MARCIAL DI FONZO BO, ces odes à la liberté sont reprises en France.

- Hervé Pons

COMPOSÉ DE DEUX PIÈCES MAJEURES DE L’AUTEUR ARGENTIN, L’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer et Eva Perón, séparées par un intermède – mené plumes battantes par un trav disant des textes de Copi issus de ses romans ou d’extraits d’interviews –, le spectacle est une totale immersion en pays étrange et inconnu, un espace intersidér­al peuplé d’êtres insolites dont la pire monstruosi­té est leur liberté affichée.

Une sorte de blasphème revendiqué que l’on a du mal à saisir aujourd’hui tant la culture anglo-saxonne de la tolérance a pris le pas sur la mauvaise foi gauloise, dont l’exilé argentin Raúl Damonte Botana, dit Copi, avait su si bien saisir l’essence, tant dans ses dessins publiés dans les années 1970-1980 dans Le Nouvel

Observateu­r que dans son oeuvre littéraire. Un certain esprit rabelaisie­n fait d’outrage, de sacrilège, d’obscénité et d’impertinen­ce propre à un courant philosophi­que et intellectu­el, l’humanisme, qui devrait être source de nos valeurs, car fondé sur l’idée que l’être humain progresse par le savoir et que c’est la curiosité, l’ouverture à l’ensemble des savoirs, qui nous transforme­nt de l’intérieur.

Puisant à toutes les sources, riche de clins d’oeil et de références, du théâtre de boulevard à Tchekhov, faite d’anecdotes urbaines, se jouant des grands événements politiques tout en voyageant dans un imaginaire peuplé de fleurs de thé, l’oeuvre de Copi, trente ans après la mort de son auteur, demeure absolument et nécessaire­ment insaisissa­ble. Sans oublier le rire, qui est le propre de l’homme.

Dans L’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer, Irina, sa Madre et Madame Garbo, déportées aux confins du monde, dévalant des pans de banquise escarpés, follement accoutrées et transcenda­nt les genres, se livrent à une parade amoureuse faite de fausse couche intempesti­ve,

de déchiremen­ts mélodramat­iques et d’envies de départ avortées. S’il n’est point de logique à trouver dans cette pièce où semblent s’enchâsser toutes les obsessions de Copi, l’exil et l’isolement en sont les grandes thématique­s sur lesquelles l’auteur joue de variations drolatique­s et rocamboles­ques. Plutôt que de chercher un sens dans ce fatras absurde, le metteur en scène en explore de multiples, s’offrant la possibilit­é d’échappées hilarantes, grinçantes aussi parfois.

Dans Eva Perón, Marcial Di Fonzo Bo, qui interprète le rôle-titre, donne libre cours à cette autre pièce majeure de Copi en la surthéâtra­lisant et en jouant du mélo comme seuls peuvent se le permettre les très grands acteurs. A quelques jours de sa “mort”, Evita, la femme du général Perón, souffrant d’un cancer irrémédiab­le, tyrannise son entourage cloîtré avec elle dans son palais comme dans une chambre mortuaire égyptienne, joue de ses robes et de ses bijoux, révèle dans sa folie la noirceur de la nature humaine s’amusant de ses relents les plus abjects. Copi ne disait-il pas lui-même de son “personnage” qu’elle était “un mélange de Marylin et de Staline” ?

Eva Perón et L’Homosexuel ou la Difficulté

de s’exprimer de Copi, mise en scène Marcial Di Fonzo Bo, en argentin surtitré en français, du 16 au 18 novembre, Théâtre des Célestins, Lyon ; les 21 et 22 novembre, Théâtre de Nîmes

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Un spectacle où l’entracte est à l’image du théâtre de l’Argentin : impertinen­t et haut en couleur

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