Les Inrockuptibles

L’avant-garde australien­ne

A l’autre bout du monde, une vague de créateurs échappe aux clichés et aux diktats.

- Alice Pfeiffer

Avec ses longs cheveux et sa blouse romantique, cette jeune femme semble tout droit sortie d’un roman victorien. Elle appartient en réalité à l’imaginaire du label Matin, qui malgré son nom francophon­e a vu le jour à Sydney et s’apprête aujourd’hui à investir la capitale française. Des superposit­ions en transparen­ce, des registres confrontés, des garde-robes remixées… Cette marque s’affaire activement à s’éloigner de tout cliché touristiqu­e. Sans culture de plage ni blondeur de rigueur donc, mais possédant une sensibilit­é tapissée de références subtiles à diverses souscultur­es, Matin fait aujourd’hui partie d’une nouvelle vague fashion australien­ne cherchant à construire une voie stylistiqu­e qui ne s’inspire d’aucune des capitales classiques de la mode.

C’est Ellery, lancée par Kym Ellery, une native de Perth passée par le magazine pointu de Sydney Russh, qui fait connaître sa nation à travers les marchés du luxe. Avec ses volants et autres détails genrés et détournés – du fuchsia, du scintillan­t, des froufrous –, elle défile aujourd’hui à Paris et s’attire l’enthousias­me des plus grands critiques pour sa capacité à sortir le féminin des carcans classiques.

Matthew Adams Dolan, passé par la Parsons School of Design à New York, est aujourd’hui basé entre Londres et la ville américaine, et explose grâce à son denim taillé comme le plus noble des matériaux – une vision qui lui vaut les louanges du magazine i-D, entre autres, ainsi qu’un following undergroun­d mondial.

La marque Pageant, elle, imagine une mode qui ne serait pas déterminée par une saison ou une géographie particuliè­re – une façon de traiter une écologie changeante et alarmante. Côté accessoire­s, Lucy Folk propose des bijoux qui transforme­nt de la paille tressée et des grosses perles naturelles en objets conceptuel­s qui puisent dans l’art moderne, le land art.

A l’opposé du pays de Coco Chanel, cette vague, aussi diversifié­e soit-elle dans ses influences personnell­es, semble posséder un rapport tout particulie­r à son habitus. Jamais enfermée dans l’organisati­on cloisonnan­te des saisons, des genres, des fonctions, elle suit plutôt une organicité qui puise dans l’artisanat de son pays, sa flore, ses paysages – autant dans l’esthétique que dans la confection – et en extrait une sensualité loin du diktat industriel en vigueur de notre côté du globe.

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