Les Inrockuptibles

LOUD Du rap en franglais et à l’accent québécois

Depuis Montréal, LOUD rappe en franglais. Accent québécois compris, il sort un premier album événement. Rencontre.

- Azzedine Fall

AU MOMENT D’ABORDER LE RAP

QUÉBÉCOIS, la première erreur serait de croire qu’il s’agit d’une simple dérivation du rap français. De Dubmatique aux Dead Obies en passant par Ironik ou le collectif 83, le rap québ a prouvé depuis longtemps la fertilité d’une exception culturelle de plus en plus fascinante.

Hyperactif depuis le début des années 2010, Loud Lary Ajust faisait clairement partie des groupes les plus excitants à Montréal. A la sortie des salles de concerts alignées sur le boulevard Saint-Laurent, il n’était d’ailleurs pas rare de croiser des bandes de kids encore pétrifiés par leurs punchlines en franglais. Mais depuis une petite paire d’années, l’aventure s’écrit au singulier. Amis d’adolescenc­e, Loud et Lary (les deux rappeurs du groupe) se concentren­t désormais sur des projets solo.

Le premier franchira l’Atlantique ce mois-ci avec deux concerts prévus à Paris dans sa ligne de mire. La meilleure façon de fêter la sortie de l’édition française d’Une année record, premier album ultrafrais qui bute déjà nos playlists. Rencontré dans sa ville berceau, au temps des premiers flocons de novembre, Loud semblait encore surpris par l’intérêt d’un public qui l’attend sans trop le connaître. Car en France, tout s’est accéléré depuis la mise en ligne du clip 56K. “On s’est rendu compte qu’il y avait un intérêt en France en analysant l’origine des vues et des commentair­es sur YouTube. Ça doit être un genre de 70 % des vues qui viennent de l’extérieur du Canada. On ne comprend pas trop ce qui se passe en fait. Je ne suis jamais venu en France, même en tant que touriste. Je n’ai pas encore vu la tour Eiffel. Tant que je n’y serai pas allé pour faire un spectacle, je n’aurai que des données mais pas de ressenti.”

Loud est sans doute le rappeur québécois que la France attend logiquemen­t depuis l’ouverture de ses frontières et affects à la Belgique et à la Suisse. Après la sortie de l’ep New Phone, sur lequel on trouvait 56K, le Canadien a enchaîné avec son premier album publié au mois d’octobre. Une année record sort en France cette semaine avec quelques mois de retard mais l’assurance de compter parmi les événements rap de ce début d’année. Avec une flopée de morceaux addictifs ( Nouveaux riches, Il était moins une, Devenir immortel (et puis mourir), Hell,What a View) et une parfaite maîtrise des différente­s ambiances qui font le rap actuel, le Montréalai­s cite Mike Jones, emprunte le flow de Cardi B et signe un ovni sous haute influence américaine. Exemple éclatant sur On My Life, où

il invite son pote Lary Kidd. “On est potes depuis le secondaire. En France, je crois que vous appelez ça le lycée. Au début, on rappait en anglais sur des beats de Mobb Deep. On s’est mis au franglais rapidement mais on n’a rien inventé. C’est notre culture ici au Québec. Les légendes du rap québécois font ça depuis longtemps. Je pense à Sans Pression, à Rainmen et aux Architekts – un groupe qui n’est pas souvent cité mais qui reste une énorme référence.”

Le franglais et l’accent québécois qui singularis­ent son rap de notre côté de la réalité ne sont pas des écueils. Bien au contraire : “Il y a des labels français qui nous ont approchés en nous demandant de gommer l’accent et de réenregist­rer certaines parties. La pire chose que l’on pourrait faire, ce serait d’adapter notre musique pour qu’elle sonne comme si elle sortait de Paris. Pour nous, rapper en franglais est une signature. C’est une particular­ité qu’il faut assumer autant que l’accent québécois.”

Vous êtes prévenus, le meilleur rappeur francophon­e du début d’année 2018 vient de Montréal. Et si vous ne pouvez pas vous libérer pour son double concert parisien, vous pouvez toujours essayer de le capter à Montréal sur la métropolit­aine : un pied dans le tapis rapide, une main sur le bras de vitesse.

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