Aksak Maboul
Un peu de l’âme des bandits
Réédition vinyle d’un album bouillonnant d’influences. Effronté et ludique. AMATEUR DE MUSIQUE OBLIQUE
qui débloque, de disques rares et de rééditions qui ne se foutent pas de ta gueule, tu vis des moments formidables : alors que tu avais terminé l’année 2017 avec le somptueux vinyle du premier album de Pascal Comelade (Paralelo), tu commences la nouvelle grandi d’Un peu
de l’âme des bandits, le deuxième album des Belges (+ guests) Aksak Maboul, sorti en janvier 1980 sur le label Crammed, dont il était la première référence.
Déjà, avis au consommateur, la version vinyle de cette réédition est obligatoire (d’autant qu’il n’est pas réédité en CD). Pour son livret de 24 pages richement documenté, et parce qu’on y trouve, en plus de l’album original, un CD de dix titres inédits, et le code de téléchargement pour l’ensemble. Mais de quoi s’agit-il ? De “découvertes de langages, de constructions, d’écritures, de mélanges des genres, d’humour, de crasses, de tendresses, d’impertinente liberté, de divines fautes récupérées, de respect, d’amour, de rigueur et folie”. C’est Michel Berckmans, l’un des musiciens du groupe (basson, hautbois), qui le dit dans le livret.
On note et on comprend l’utilisation du (ou des) pluriel(s) : cette musique est tellement explosive, excentrique, littéralement extraordinaire, qu’il est impossible de l’attraper et de la décrire par un seul bout. Laissons valser les étiquettes : c’est du prog, du jazz, du postpunk, du tango, et de la musique orientale qui rime avec expérimentale. Des unissons et des frictions.
Le dernier morceau enregistré par le groupe est celui, de bravoure, qui ouvre l’album. Il s’appelle A Modern Lesson et c’est effectivement une leçon de modernité, voire de futur, délivrée par un professeur maboul. Sur un rythme à la Bo Diddley, on entend une chanteuse aux vocalises tellement étranges qu’elle pourrait être japonaise ou turque ou les deux à la fois (nippottomane, donc ?), une basse comme dans Can, des instruments à cordes qui frottent, des bruits de flipper, du jazz comme pour la BO d’un film pour enfants hyperactifs, et des extraits samplés de toutes les chansons qui vont suivre dans le disque. Et qui ne vont rien suivre du tout d’ailleurs, puisqu’elles ont surtout tendance à s’échapper dans tous les sens.
Le premier morceau de la deuxième face s’appelle Ce qu’on peut voir avec
un bon microscope : dans tout cet album précurseur, on peut entendre le grouillant bouillon de culture d’une musique insolente, folle et ludique, aussi fraîche aujourd’hui qu’à l’époque.