Les Inrockuptibles

Aksak Maboul

Un peu de l’âme des bandits

- Crammed Discs Stéphane Deschamps

Réédition vinyle d’un album bouillonna­nt d’influences. Effronté et ludique. AMATEUR DE MUSIQUE OBLIQUE

qui débloque, de disques rares et de rééditions qui ne se foutent pas de ta gueule, tu vis des moments formidable­s : alors que tu avais terminé l’année 2017 avec le somptueux vinyle du premier album de Pascal Comelade (Paralelo), tu commences la nouvelle grandi d’Un peu

de l’âme des bandits, le deuxième album des Belges (+ guests) Aksak Maboul, sorti en janvier 1980 sur le label Crammed, dont il était la première référence.

Déjà, avis au consommate­ur, la version vinyle de cette réédition est obligatoir­e (d’autant qu’il n’est pas réédité en CD). Pour son livret de 24 pages richement documenté, et parce qu’on y trouve, en plus de l’album original, un CD de dix titres inédits, et le code de télécharge­ment pour l’ensemble. Mais de quoi s’agit-il ? De “découverte­s de langages, de constructi­ons, d’écritures, de mélanges des genres, d’humour, de crasses, de tendresses, d’impertinen­te liberté, de divines fautes récupérées, de respect, d’amour, de rigueur et folie”. C’est Michel Berckmans, l’un des musiciens du groupe (basson, hautbois), qui le dit dans le livret.

On note et on comprend l’utilisatio­n du (ou des) pluriel(s) : cette musique est tellement explosive, excentriqu­e, littéralem­ent extraordin­aire, qu’il est impossible de l’attraper et de la décrire par un seul bout. Laissons valser les étiquettes : c’est du prog, du jazz, du postpunk, du tango, et de la musique orientale qui rime avec expériment­ale. Des unissons et des frictions.

Le dernier morceau enregistré par le groupe est celui, de bravoure, qui ouvre l’album. Il s’appelle A Modern Lesson et c’est effectivem­ent une leçon de modernité, voire de futur, délivrée par un professeur maboul. Sur un rythme à la Bo Diddley, on entend une chanteuse aux vocalises tellement étranges qu’elle pourrait être japonaise ou turque ou les deux à la fois (nippottoma­ne, donc ?), une basse comme dans Can, des instrument­s à cordes qui frottent, des bruits de flipper, du jazz comme pour la BO d’un film pour enfants hyperactif­s, et des extraits samplés de toutes les chansons qui vont suivre dans le disque. Et qui ne vont rien suivre du tout d’ailleurs, puisqu’elles ont surtout tendance à s’échapper dans tous les sens.

Le premier morceau de la deuxième face s’appelle Ce qu’on peut voir avec

un bon microscope : dans tout cet album précurseur, on peut entendre le grouillant bouillon de culture d’une musique insolente, folle et ludique, aussi fraîche aujourd’hui qu’à l’époque.

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