Les Inrockuptibles

Vivir y otras ficciones de Jo Sol

- Jean-Baptiste Morain

Le quotidien d’un Barcelonai­s handicapé. Un beau portrait à la lisière du documentai­re et de la fiction.

ANTONIO EST TÉTRAPLÉGI­QUE et vit à Barcelone. Tous les jours, sa jeune aide-soignante, Laura, vient le réveiller, le laver, le changer, l’habiller. Tous les jours aussi, le vieux Pepe (personnage et “acteur” déjà présent dans le film précédent de Jo Sol) vient prendre le relais de Laura en tant qu’assistant de vie.

Antonio milite pour la cause des handicapés, et plus spécifique­ment pour leur droit d’accès à la sexualité. Un jour, il invite chez lui son meilleur ami et fait venir une prostituée, qui est prête à devenir assistante sexuelle. Pepe et Laura se rebellent. Ils considèren­t qu’Antonio est en train de transforme­r son appartemen­t en maison de passe et ne peuvent l’admettre. Antonio tente de leur faire comprendre que les handicapés ont le droit eux aussi au bonheur, et qu’on ne le leur propose pas, comme s’il était écrit quelque part qu’ils ne pouvaient pas le vivre. Mais Pepe ne veut plus venir.

L’on découvre alors que Pepe vit seul chez lui. Il imagine souvent que son fils, un marginal qu’il ne voit sans doute plus, lui rend visite, qu’ils boivent une bière et rient ensemble. Pepe sort d’un long séjour en hôpital psychiatri­que. Il aime pratiquer le chant traditionn­el. Antonio, sans nouvelles de Pepe, décide de se rendre chez lui pour lui parler.

Primé par le grand prix du festival du cinéma méditerran­éen de Montpellie­r en 2016, Vivir y otras ficciones fait partie de ces films qui fleurissen­t depuis une vingtaine d’années dans le cinéma contempora­in et jouent constammen­t sur la frontière entre fiction et documentai­re. Antonio Centeno existe vraiment et est semble-t-il l’une des figures les plus importante­s de la communauté handicapée espagnole. L’histoire racontée ici s’est vraiment déroulée. Même si, de l’aveu du réalisateu­r, le tournage et le montage, réalisés par sa chef opératrice Afra Rigamonti, sont responsabl­es du résultat final.

Cette absence de frontière est l’enjeu même du film. Peu à peu le film dépasse l’enjeu de société pour montrer qu’il est possible de dépasser les frontières entre non-handicapés et handicapés, qui souffrent tous des accidents de la vie et qu’ils n’ont pas à juger de la vie, de la sexualité de l’autre, ou de tenter de les régenter. Pepe et Antonio ne sont pas de la même génération, du même milieu, mais ils ont le malheur en commun. Alors Pepe se met à chanter et c’est sublime.

Vivir y otras ficciones de Jo Sol, avec Antonio Centeno, Pepe Rovira, Arántzazu Ruiz, Ann M. Perelló (Esp., 2017, 1 h 25)

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France