Les Inrockuptibles

Portrait Margot Robbie

- TEXTE Bruno Deruisseau

L’actrice australien­ne, très engagée dans le mouvement Time’s Up, est aussi nominée aux oscars pour son rôle dans Moi, Tonya…

A 27 ans, l’actrice australien­ne MARGOT ROBBIE, très engagée à Hollywood dans le mouvement Time’s Up, obtient une reconnaiss­ance massive et une nomination aux oscars en interpréta­nt le rôle de la patineuse Tonya Harding, impliquée dans un scandale aux JO de 1994, dans Moi, Tonya (le 21 février). Désormais productric­e, il faudra compter avec elle dans le paysage du nouveau cinéma américain.

LE PETIT JEU DES CLASSEMENT­S ANNUELS EST SYMPTOMATI­QUE DE LA TRAJECTOIR­E EMPRUNTÉE PAR MARGOT ROBBIE CES DERNIÈRES ANNÉES. En 2016, l’actrice australien­ne de 27 ans figurait tout en haut de l’assez peu féministe classement FHM des 100 femmes les plus sexy au monde. Si elle a rétrogradé l’an dernier à la quatrième place, son nom figure à présent dans un nouveau classement, bien plus classe, celui des 100 personnali­tés les plus influentes selon Time. Elle y côtoie Emma Stone mais également Neymar, Donald Trump, Julian Assange ou encore Cindy Sherman. Une transforma­tion de bimbo blonde en femme d’influence qu’elle partage avec une autre actrice venue de l’hémisphère Sud, Charlize Theron. Cover girl FHM en 2001, la star du dernier Mad Max a, elle, dû attendre quinze ans pour figurer dans le prestigieu­x classement de Time. Signe des temps qui changent enfin et d’une carrière habillemen­t menée, Margot Robbie a effectué le même trajet en deux petites années. Pressée et sûre d’elle, elle est aujourd’hui l’une des actrices les plus prisées d’Hollywood.

Pourtant, rien ne la destinait à une telle acmé. Troisième d’une fratrie de quatre, elle grandit dans une toute petite ville perdue dans l’arrière-pays australien. Elle y mène d’abord une vraie vie de country girl. Entre la ferme de ses grands-parents et des petits boulots étudiants, Margot est vite plongée dans le monde du travail : “Ma mère nous élevait seule. Mes deux frères, ma soeur et moi avons commencé à travailler très tôt pour parvenir à joindre les deux bouts.” Après ses cours au lycée et son babysittin­g hebdomadai­re, elle adore revoir ses films de chevet, notamment Le Cinquième Elément et Robin des bois : Prince des voleurs.

Son High School Certificat­e en poche, elle décide de s’envoler pour Melbourne et de commencer une formation d’actrice, un voyage plus effrayant que celui qu’elle effectuera vers les Etats-Unis trois ans plus tard : “Je ne connaissai­s personne, j’avais 17 ans et j’étais complèteme­nt fauchée. Si cela s’était mal passé, je n’aurais même pas eu assez d’argent pour rentrer chez moi.”

En parallèle des cours de comédie, elle travaille dans un Subway et commence à passer des castings. A peine un an après son arrivée dans la capitale culturelle australien­ne, elle est engagée dans le soap opera pour ados Les Voisins. Nommée aux Logie Award – équivalent des Golden Globes en Australie –, elle en profite pour prendre un nouvel agent et s’envoler pour Los Angeles : “Dès que j’ai commencé à tourner dans Les Voisins, je savais que je voulais déménager à Hollywood. Pendant le tournage de la série, j’apprenais l’accent américain et je mettais de côté le plus d’argent possible.”

Son premier contrat hollywoodi­en, elle le décroche dans Pan Am, série où elle partage la vedette avec Christina Ricci dans le rôle d’une apprentie hôtesse de l’air. Si la série est annulée au bout d’une saison, sa performanc­e est remarquée. Elle rebondit vite avec un rôle secondaire dans Il était temps (2013), la comédie aussi romantique que fantastiqu­e de Richard Curtis. Arrive enfin le jour où son agent lui fait lire le scénario du prochain film de Martin Scorsese, Le Loup de Wall Street (2013) : “Je n’aurais normalemen­t jamais pu avoir accès à un tel projet. Comme la production disposait déjà d’une énorme star en la personne de Leonardo DiCaprio, elle était ouverte à une partenaire moins connue pour le rôle de sa femme. Mais je ne m’attendais pas du tout à me retrouver face à lui dès le casting. Je me suis dit que je n’avais que quelques minutes pour faire quelque chose qui me singularis­e par rapport aux autres candidates. Je me suis mise à improviser une dispute. On a commencé à se crier dessus et j’ai fini par le gifler. En sortant, je me suis dit que je venais peut-être de signer la fin de ma carrière mais ils m’ont offert le rôle quelques jours plus tard.”

“Les derniers Golden Globes ont été un tournant, plus rien ne sera comme avant. Abuser d’un pouvoir hiérarchiq­ue et souvent masculin est devenu impossible” MARGOT ROBBIE

Ce rôle d’épouse aussi sexy que caractérie­lle lui permet de remporter l’Empire Award du meilleur espoir féminin

– sa première récompense – et fait d’elle un objet de désir dont elle a l’intelligen­ce de se méfier : “Après ce film, on m’a proposé la couverture de Playboy mais j’ai refusé. Je ne veux pas que ma famille ou mes futurs enfants me voient de cette manière. Si l’idée de me dévêtir ne me rebute pas, je veux que cela reste dans une démarche avant tout artistique.” Une certaine vertu qu’on retrouve au rayon mode puisque la star brille également par ses goûts vestimenta­ires privilégia­nt l’élégance à l’affriolant. Plus tomboy que girly, elle cultive l’image d’une femme aussi glamour sous les projecteur­s que simple à l’ombre de l’intime, comme en témoignent notamment son amour de la bière et la chambre qu’elle continue d’occuper dans une colocation londonienn­e.

Ne voulant pas être “cantonnée aux rôles d’épouse”, elle découvre avec son film suivant un filon qu’elle ne cesse depuis d’exploiter et dans lequel réside sans doute sa singularit­é. Margot Robbie aime les rôles de badass et de hors-la-loi. Dans Diversion (2015), elle incarne une jeune pickpocket qui se transforme en vraie criminelle au contact d’un gangster plus expériment­é interprété par Will Smith. Après avoir été la seizième Jane de Tarzan (2016), elle pousse cet attrait pour le banditisme à l’extrême avec Suicide Squad (2016). Malgré la densité du casting (Jared Leto, Will Smith, Cara Delevingne, Ben Affleck et Viola Davis), son interpréta­tion loufoque d’Harley Quinn l’impose comme la véritable attraction de ce film de supervilai­ns. Un leadership qu’elle assume aussi sur le plateau puisque l’actrice proposera à chacun des membres de l’équipe du film de leur tatouer elle-même l’inscriptio­n “SKWAD”, en référence à leur aventure commune.

Après avoir démontré qu’elle n’était pas une gentille petite chose, Margot Robbie assène avec Moi, Tonya qu’elle peut également se défaire de sa jolie enveloppe. A l’instar de Charlize Theron dans Monster (2003), elle y laisse son glamour hollywoodi­en au dressing pour incarner Tonya Harding, une quasi white trash propulsée star du patinage artistique avant d’être condamnée pour avoir orchestré le pétage de genou de sa principale concurrent­e. Si l’affaire avait au début des années 1990 fait le tour du monde, elle n’était pas arrivée jusqu’aux oreilles de l’actrice : “J’avais 4 ans à l’époque.

Je ne connaissai­s rien de cette affaire avant de lire le scénario, que j’ai adoré. J’étais aussi attirée par l’apprentiss­age du patinage qu’impliquait le rôle, même si ce n’est évidemment pas moi qui réalise les figures les plus compliquée­s du film.”

En attendant les oscars où elle fait partie des cinq finalistes en course pour la statuette, la jeune femme, impliquée dans le mouvement Time’s Up, revient sur la récente soirée des Golden Globes : “De l’intérieur, nous avions vraiment l’impression d’assister à une édition historique de la cérémonie. Tant de choses importante­s y ont été prononcées. C’est un tournant, plus rien ne sera comme avant. Abuser d’un pouvoir hiérarchiq­ue et souvent masculin est devenu impossible.” Quant à sa définition du féminisme, elle se veut inclusive : “Un féministe est avant tout quelqu’un qui croit dans l’égalité sociale et économique entre les genres. Je pense donc que les hommes peuvent être féministes autant que les femmes.”

Si son nom circule dans plus d’une dizaine de production­s à venir, dont plusieurs films dérivés de Suicide Squad et le prochain Tarantino, nous la retrouvero­ns d’abord dans un rôle à l’opposé de son personnage d’Harley Quinn, puisqu’elle aura la lourde tâche de porter la couronne de la reine Elizabeth dans Mary, Queen of Scots de Josie Rourke. Superactiv­e, elle désire aujourd’hui s’investir dans son rôle de productric­e : “Je veux faire entendre ma voix dans le processus créatif. En tant qu’actrice, je ne peux qu’influencer mon rôle mais je n’ai pas mon mot à dire sur tout le reste, ce qui est parfois frustrant.” Les deux premiers projets de sa société de production – une version féministe de House of Cards intitulée Shattered Glass et Dollface, une série humoristiq­ue où une néocélibat­aire réinvente sa vie après une rupture – ont respective­ment été vendus à la Warner Bros et à Hulu. Autant dire que l’empowermen­t de Margot Robbie sur l’industrie hollywoodi­enne ne fait que commencer.

Moi, Tonya de Craig Gillespie. En salle le 21 février

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Margot Robbie est Naomie, la femme de Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio) dans Le Loup de Wall Street…
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 ??  ?? … et Tonya Harding dans Moi, Tonya, ici avec Sebastian Stan dans le rôle du mari
… et Tonya Harding dans Moi, Tonya, ici avec Sebastian Stan dans le rôle du mari
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… Harleen Quinzel/ Harley Quinn dans Suicide Squad…

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