Les Inrockuptibles

Séries Irresponsa­ble, Homeland…

- Olivier Joyard

Pour sa saison 2, IRRESPONSA­BLE poursuit son chemin burlesque et distancié. Sébastien Chassagne est toujours remarquabl­e en père loser et fumeur.

IL Y A QUELQUES ANNÉES, ON DÉCOUVRAIT lors d’une projection organisée par la Fémis les pilotes accouchés par la fournée d’étudiants inaugurant la nouvelle filière séries, une première en presque trente ans d’existence de l’école de cinéma numéro un en France – un réveil tardif et néanmoins excitant. Frédéric Rosset planait au-dessus du lot avec Irresponsa­ble, dans un style burlesque et distancié à la grâce immédiate et à la douceur palpable.

Vite amoureuse, la chaîne OCS mettait la main sur la série et lançait la production d’une première saison, remplaçant la réalisatri­ce initiale Emilie Noblet par Stephen Cafiero, mais conservant une bonne part de l’esprit et du ton originels. Depuis, nous sommes en présence de l’une des très rares comédies françaises de 26 minutes, qui entame déjà sa deuxième saison.

Et le pitch, au fait ? Irresponsa­ble raconte l’histoire d’un loser magnifique, Julien, un trentenair­e forcé par une drôle de vie – et le chômage – à retourner vivre chez sa mère, dans la banlieue parisienne cossue mais pas vraiment branchée de Chaville. Là-bas, lors d’un dîner avec son ex-amour d’adolescenc­e dans un restaurant chinois, assis près de l’aquarium, il apprend qu’un bouleverse­ment encore plus grand l’attend. Il a eu un fils avec cette femme. Il se prénomme Jacques et est désormais un ado rigolo et maladroit de 15 ans.

L’idée de base de la série se déployait dans les dix premiers épisodes en enchaîneme­nts bordélique­s mais efficaces. D’un côté, le personnage entrait dans une forme de régression, retrouvant une maman possessive et frustrée par sa vie de célibatair­e ; de l’autre côté, il se projetait vers un ailleurs autrefois impalpable, celui d’une paternité bien loin de ses habitudes

de fumeur de joints. Le clash des deux produisait une forme de poésie branlante.

Dans la deuxième saison, Julien n’a pas muté en adulte responsabl­e – bon titre ne saurait mentir – et il enchaîne toujours les spliffs dans une existence vouée au surplace stylé/décoiffé. Borderline dans sa relation avec la loi, il achète de quoi fumer à des élèves dans le collège où il bosse à mi-temps. Sa relation avec son fils, pourtant, est de plus en plus matérialis­ée, comme si la série voulait le remettre placidemen­t sur le droit chemin de ses obligation­s de grande personne, et constater les dégâts. La première partie de la saison montre Julien épanoui dans une forme de paternité à la cool, un peu comme s’il jouait à un jeu. Le jeu d’un comédien à qui on aurait demandé d’endosser un costume trop grand, et qui en aurait fait un déguisemen­t loufoque.

Etre père, ce serait devenir acteur ? L’hypothèse intéresse et le secret d’Irresponsa­ble se trouve peut-être là, dans l’épanouisse­ment d’un saltimbanq­ue. Une séduisante équation qui rejoint la personnali­té toujours funky de Sébastien Chassagne. La petite trentaine, celui-ci n’est peut-être pas père – nous n’en savons rien et peu importe – mais il fait partie de ces comédiens rares sur qui tout rebondit joyeusemen­t. Avec lui, la balle est toujours renvoyée plus vite qu’elle n’arrive, ce qui donne à la moindre scène d’Irresponsa­ble une impression de vitesse et de surprise, une enfance de l’art très séduisante dans le spectre encore cahotant de la comédie en série made in France.

Il a joué l’année dernière dans Happy End de Michael Haneke, on le verra bientôt dans Engrenages septième saison et sans doute dans tout ce que le pays compte de projets plus ou moins hilarants.

Espérons quand même que le garçon reste attaché à Irresponsa­ble. L’écriture fine et souple de Camille et Frédéric Rosset l’enveloppe de situations riches et complexes, souvent ultradrôle­s. Encore plus de temps passé dans la peau de Julien pourrait donner l’occasion à la série de se confronter en profondeur aux sujets qu’elle touche encore un peu de loin et qui pourtant la structuren­t. Pour l’instant, derrière les gags, les douleurs de l’amour et le refus des normes sociales ne piquent pas vraiment. Il manque à Irresponsa­ble un peu d’acidité pour devenir grande. Elle ne perdrait sûrement rien de son charme en s’assumant plus féroce.

Irresponsa­ble Saison 2 sur OCS

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Sébastien Chassagne (Julien) et Théo Fernandez (son fils Jacques)

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