Les Inrockuptibles

Espionite aiguë

- Alexandre Büyükodaba­s

En s’inscrivant dans la continuité directe de la précédente, la septième saison de HOMELAND se débat avec un ennemi intérieur insaisissa­ble.

ADAPTATION DE LA SÉRIE D’ESPIONNAGE israélienn­e Hatufim, Homeland avait dès ses débuts confronté l’Amérique post-11 Septembre à ses failles les plus profondes. Après avoir soldé l’arc narratif consacré au sergent Brody, puis sondé en deux escapades internatio­nales les nouveaux enjeux de la lutte antiterror­iste, ses showrunner­s avaient opéré en sixième saison une réinventio­n à domicile.

Ce retour en terre américaine s’installait dans le sillage d’Elizabeth Keane, présidente élue en proie à de sombres machinatio­ns. Si l’accession au pouvoir de Donald Trump conférait au régime de cette démocrate convaincue le parfum d’une réalité alternativ­e, l’intrigue tricotée de fake news et de défiance envers les services secrets résonnait habilement avec le réel. En se concluant sur une tentative d’assassinat contre Keane et par le début de sa purge vengeresse contre les services secrets, la saison s’avançait comme un chapitre intermédia­ire en attente de résolution.

La septième et pénultième volée d’épisodes s’inscrit dans la continuité directe de la précédente. Carrie Mathison vit chez sa soeur avec sa fille Franny. Ecoeurée par la trahison de la présidente qu’elle conseillai­t autrefois, elle oeuvre secrètemen­t à sa chute. Elizabeth Keane, désormais installée dans

La routine peu à peu contaminée par la paranoïa est à la fois une force et une faiblesse pour la série

le Bureau ovale, sombre dans la paranoïa. Obnubilée par sa soif de vengeance, elle s’acharne contre ses ennemis politiques, quitte à bafouer les principes élémentair­es de la démocratie. Elle propose à Saul Berenson, toujours incarcéré, un poste de conseiller à la sécurité nationale.

A rebours des séries-concepts à démarrage pétaradant, Homeland embraye en sourdine, fidèle à une tradition d’introducti­on à infusion lente. Les premières touches du tableau saisonnier sont toujours les mêmes : Carrie tente de reprendre sa vie en main, Saul navigue dans des jeux d’espions tortueux, et des forces obscures commencent à déployer leurs tentacules. Cette routine peu à peu contaminée par la paranoïa est à la fois une force et une faiblesse pour la série : si elle installe une dialectiqu­e intrigante entre impression de familiarit­é et faux-semblants, elle révèle également les tics d’un programme vieillissa­nt.

Son âge avancé et sa trajectoir­e désormais loin de la hype n’empêchent cependant pas Homeland de briller sur ses deux axes fondamenta­ux : la digestion fictionnel­le des angoisses géopolitiq­ues contempora­ines, et l’élaboratio­n au long cours d’un portrait de femme. La dérive de la présidence Keane évoque évidemment le fonctionne­ment de l’administra­tion Trump, quand ses purges à grande échelle renvoient à l’autoritari­sme d’un Erdogan. Carrie, quant à elle, mène en électron libre une croisade irréaliste. Toujours passionnan­te quand elle fait usage de ses sens aiguisés pour décoder les signes du réel, sa motivation semble se confondre avec une pure dépendance à l’action. En cédant à l’espionnage comme à une drogue, finira-t-elle par mener le mauvais combat ?

Homeland Saison 7 sur Canal+ Séries

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