Les Inrockuptibles

La Fémis-nisation du cinéma

- I. B., O. J. et F. M.

Si la fameuse école de cinéma est sensible à la parité, dans ses instances comme dans la répartitio­n des élèves, le sexisme ne semble pas s’arrêter à ses portes.

Située dans les bâtiments des anciens studios Pathé-Natan, dans le XVIIIe arrondisse­ment de Paris, elle est l’une des plus grandes écoles de cinéma du monde. Chaque année, ils et elles sont près de 1 200 à se presser au concours d’entrée de l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, la Fémis, pour une soixantain­e de reçu(e)s réparti(e)s entre les différents départemen­ts (décor, image, montage, production, réalisatio­n, scénario, scripte, son…). Et depuis sa création en 1986, l’école a toujours mis un point d’honneur à respecter une quasi-parité dans sa sélection, contribuan­t ainsi à la féminisati­on de l’industrie. Les réalisatri­ces Noémie Lvovsky (Camille redouble), Emilie Deleuze (Jamais contente), Sophie Fillières (La Belle et la Belle) ou encore Christine Carrière (Une mère) ont fait partie de la

première promotion. Ces dix dernières années, 313 femmes (51,4 %) ont étudié à la Fémis. “Ce n’est pas un critère de recrutemen­t, mais c’est clairement une consigne à laquelle on demande aux membres du jury de faire attention, affirme la directrice de l’école, Nathalie CosteCerda­n, en poste depuis juillet 2016. Même dans la structurat­ion des gens qui font passer le concours, nous sommes soucieux de faire respecter une certaine parité.” Mais si les membres de l’administra­tion de la Fémis sont en majorité des femmes, les directeurs de départemen­ts sont des hommes pour la plupart.

Sous l’impulsion du ministère de la Culture, un groupe de travail sera organisé cette année pour débattre des inégalités femmes/ hommes, et revenir sur l’affaire Weinstein. “La Fémis joue un rôle auprès des femmes, dans la prise de conscience de ce qu’il reste à acquérir par rapport à la création, à la représenta­tion, aux stéréotype­s et à la condition d’égalité de tout ça”, insiste -Cerdan. Elles sont plusieurs réalisatri­ces passées par la Fémis a avoir bien intégré l’importance de ces enjeux dans leur travail. Que ce soient Léonor Serraille (Jeune femme), Céline Sciamma (Tomboy), Rebecca Zlotowski (Belle épine) ou encore Julia Ducournau (Grave), toutes ont fait de l’émancipati­on des femmes un thème central. “Il y a une belle progressio­n au niveau de la féminisati­on des postes, et notre génération va avoir un autre visage, note Julie, étudiante en deuxième année, qui s’empresse d’ajouter : “Pour autant, le sexisme ne s’arrête pas à l’entrée de la Fémis.”

Dans la foulée du scandale qui agite Hollywood depuis octobre dernier, Julie et d’autres élèves ont décidé d’ouvrir la parole au sein même de leur école, en instaurant des réunions non-mixtes, parce que “certaines choses ne peuvent être dites qu’entre femmes”. Mal comprise par l’école, cette démarche “blesserait les garçons”. Sauf que depuis, les témoignage­s s’accumulent. Un intervenan­t, travaillan­t encore à l’école, qui met une tape sur les fesses d’une élève ; des remarques infantilis­antes ou sexistes du style “Ah beh elle chouine la pépette” ; des humiliatio­ns qui laissent une étudiante en larmes ou bien encore des élèves mises de côté après avoir refusé des avances. “Tu ne devrais pas être obligée de demander à quelqu’un que tu connais depuis trente minutes de ne pas t’appeler ‘bichette’. Je n’ai jamais été témoin de ce genre de choses envers un garçon en fait”, déplore Julie.

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