Les Inrockuptibles

David Byrne

American Utopia Nonesuch/Warner

- Christophe Conte

Longtemps absent, l’ex-Talking Heads revient avec un album miraculeux. Une utopie en réponse au cauchemar Trump.

DEPUIS “GROWN BACKWARDS” il y a deux septennats, David Byrne n’avait pas sorti d’album solo, préférant les compagnies diverses de Fatboy Slim (l’opéra pudding sur Imelda Marcos,

Here Lies Love) ou St. Vincent (l’album à deux têtes Love This Giant). Cette relative discrétion n’aura pas empêché l’ancien Talking Heads d’occuper sans discontinu­er les conversati­ons entre musiciens, que beaucoup d’entre eux – de LCD Soundsyste­m à Vampire Weekend – ont prolongées sur disque.

A 65 ans, beaucoup d’argent dans les cheveux et sans doute aussi à la banque, Byrne peut poursuivre paisibleme­nt ses balades à vélo et enregistre­r quand bon lui semble des disques sans autre enjeu que le plaisir de “storytelle­r” le monde qui l’entoure. On imagine que l’arrivée du pachyderme Trump a pas mal fait trembler la porcelaine de cet esthète parlant, et qu’American Utopia doit un peu de sa genèse à ce cauchemar collectif.

L’album s’inscrit dans une série de travaux divers (photos, films…)

que Byrne a baptisée, d’après Ian Dury, Reasons to Be Cheerful (“Raisons d’être joyeux”), et sans pour autant jouer à Candide au pays de Oui-Oui, c’est en vieux sage humaniste, refusant autant “le désespoir que le cynisme”, qu’il déambule dans le chaos.

L’ouverture d’American Utopia, I Dance Like This, avance ainsi à pas feutrés pour basculer dans le vacarme post-industriel, signe d’un album plus urbain qu’exotique que seuls viendront contredire le vaguement chaloupé It’s Not Dark Up Here et quelques traits caribéens ici et là. Confection­né avec Brian Eno et Rodaidh McDonald (The xx, King Krule…), ce généreux cocktail de sons qui crépitent laisse surtout la place centrale au chant unique de David Byrne, dont la voix mate et grinçante reste depuis quarante ans l’un des organes les plus réconforta­nts au monde.

Proche du seul concurrent anglais qu’on lui prête, Andy Partridge de XTC, lorsqu’il entonne le merveilleu­x Every Day Is a Miracle, David Byrne accouche bien ici d’un disque miraculeux, mais avec modestie. Celle des géants.

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