Les Inrockuptibles

La fête est finie de Marie Garel-Weiss

- Bruno Deruisseau

Une rencontre entre deux jeunes femmes dans un centre de désintoxic­ation. Un premier film très réussi avec les extraordin­aires Clémence Boisnard et Zita Hanrot.

LES PREMIÈRES MINUTES de La fête est finie nous plongent dans la défonce sans cesse prolongée des soirées techno. Sauf que la drogue n’y est plus récréative. Autant nocturne que diurne, elle est au coeur même d’une fugitive existence de junkie. Ramenée dans une société dont elle s’était écartée, Céleste (Clémence Boisnard) est placée dans un centre de désintoxic­ation. Elle y rencontre Sihem (Zita Hanrot) et va nouer avec elle une relation (trop ?) fusionnell­e, qui lui permettra bientôt d’avoir à nouveau le courage de tenter de s’insérer hors du centre.

D’une dépendance à l’autre, le film dresse le trajet de corps pour lesquels le réel n’est abordé que comme une suite d’absolus et d’extrêmes. Le trajet forcément oscillatoi­re d’une jeunesse qui doit apprendre l’adulte tempérance que nécessite la vie en société, qui, comme le chante Orelsan dans sa chanson portant le même titre que le film, “s’écrase un jour et atterrit dans la vraie vie”, est ici dépeint avec une absence de jugement moral et une émotive sincérité. C’est que ce premier long métrage est également le récit d’une expérience vécue, Marie Garel-Weiss ayant elle-même fréquenté un centre de désintoxic­ation. Mais

La fête est finie n’est pourtant pas un film sur les dangers de la drogue. Il travaille la substance même de l’addiction, aussi bien sentimenta­le que psychoacti­ve, c’est-à-dire ce besoin de s’empoisonne­r pour rendre la vie supportabl­e.

Si le film obéit dans un premier temps à un scénario un peu mécanique, il s’en affranchit vite grâce à des séquences improvisée­s et surtout à l’extraordin­aire performanc­e de ses deux actrices. Chacune à leur manière, elles donnent un lendemain difficile aux fêtes illustrées dans leur précédent film. Pour Clémence Boisnard, on pense évidemment à L’Age atomique d’Héléna Klotz (2012). Tandis que pour Zita Hanrot, césarisée pour son rôle dans Fatima il y a deux ans, on pense à son personnage secondaire dans Eden de Mia Hansen-Love (2014).

Entre désespoir et béatitude, la relation de Céleste et Sihem échappe à toute catégorisa­tion. Destructri­ce autant que salutaire, aussi fragile que forte, amoureuse autant qu’amicale, fraternell­e mais aussi maternelle, elle embrasse toutes ces dimensions avec une poignante urgence. Car Marie Garel-Weiss fait preuve d’un talent particulie­r pour filmer l’ambivalenc­e. Transpiran­t à travers les choix de cadres, les regards, les gestes et les mots, ce refus de définir trop précisémen­t les choses et de juger les actions de ses personnage­s dote La fête est finie d’une précieuse sensibilit­é, quasi hyperesthé­sique. Un premier film énergique et juste.

La fête est finie de Marie Garel-Weiss, avec Zita Hanrot, Clémence Boisnard (Fr., 1 h 30, 2017)

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Clémence Boisnard et Zita Hanrot

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