Les Inrockuptibles

L’Amour des hommes de Mehdi Ben Attia

Avec Hafsia Herzi, Raoul Ben Amor (Tun., Fr., 2017, 1 h 45)

- Bruno Deruisseau

A Tunis, une jeune femme photograph­ie des hommes nus. Maladroite­ment féministe.

Amel aime les hommes. Quand elle perd le sien, cette apprentie photograph­e se lance, sur les conseils de son beau-père, dans un sulfureux projet : la réalisatio­n d’une série de clichés d’hommes nus rencontrés dans les rues de Tunis. On comprend vite l’enjeu du film : inverser le point de vue du désir de la femme vers l’homme dans une société encore largement patriarcal­e. Ecrit pour Hafsia Herzi, L’Amour des hommes est aussi le témoignage du ravissemen­t du réalisateu­r pour son actrice, dont la sensualité est au moins autant mise en avant que celle des hommes que la jeune femme capture. Sauf qu’à force de jongler entre le male et le female gaze, le troisième long métrage de Mehdi Ben Attia joue un double jeu dans lequel il finit par se perdre. S’il est vrai que les hommes y deviennent des objets de désir, Amel ne s’affranchit jamais de son statut de “proie” sexuelle. Sans cesse renvoyée à l’attirance qu’elle suscite, elle ne semble pas exister au-delà. Si les hommes acceptent de poser pour elle, c’est dans l’espoir de pouvoir coucher avec elle. La mise en scène de son entreprise artistique – qui est plus l’idée de son beau-père que la sienne – est cernée du seul désir de plaire et ne parvient pas à ménager un espace où l’objectif photograph­ique deviendrai­t l’instrument d’un renverseme­nt du rapport de domination homme-femme. Cette posture maladroite­ment féministe est bien résumée par la réaction d’Amel lorsque son beau-père tente d’abuser d’elle. Si elle lui en veut, elle se fera quand même toute belle pour le revoir et enfin prendre une photo de lui nu. Cet appareil photo aurait pu être l’outil d’une émancipati­on autrement plus tranchée.

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