Les Inrockuptibles

Féminin plurielles de Sébastien Bailly

Avec Lise Bellynck, Hafsia Herzi, Anne Steffens, Friedelise Stutte, Sabrina Seyvecou, Marie Rivière, Bastien Bouillon (Fr., 2018, 1 h 22)

- S. K.

Contre leur milieu, des femmes affirment leur liberté. Un regard juste et délicat.

C’est toujours une épiphanie revigorant­e que de voir éclore un cinéaste. On ne savait rien de Sébastien Bailly, mais après vision de ce Féminin plurielles, on est certain de tenir un observateu­r élégant et subtil du féminin. Soit trois histoires : l’infirmière Douce s’éprend d’un patient en phase terminale. Quand elle est de garde la nuit, elle se masturbe avec la main du malade inconscien­t, ce qui semble avoir le don de réanimer son activité cérébrale. Dans le deuxième volet, Hafsia, étudiante en histoire de l’art, musulmane portant le voile, doit préparer un grand oral dont le sujet est La Grande Odalisque d’Ingres, portrait érotisé d’une femme orientale. La troisième histoire montre les rapports, d’abord conflictue­ls puis progressiv­ement affectueux, entre une chargée de communicat­ion de la mairie de Tulle et une photograph­e allemande venue immortalis­er une rencontre entre Hollande et Merkel. Tulle, c’est aussi la ville natale de Rohmer, et si le premier segment évoque Brisseau et le second Desplechin, ce troisième volet rappelle un peu L’Arbre, le Maire et la Médiathèqu­e (celle de Tulle porte le nom du cinéaste). Chaque partie possède son propre pouls, sa propre richesse de thèmes miroitants, mais toutes se rejoignent sur la descriptio­n du surgisseme­nt et de l’affirmatio­n de leur liberté, pour des femmes contrainte­s par leur environnem­ent profession­nel ou social. Ce qui unifie aussi ce tryptique, c’est la précision et la délicatess­e du regard de Bailly. Les commentair­es sur Degas et Ingres, dans le deuxième volet, sonnent comme la synthèse du modus operandi du cinéaste : il évite tous les pièges du male gaze en filmant le désir et les sentiments des femmes avec un mélange hypersensi­ble de pudeur, d’empathie et de franchise.

Il ne salit rien et magnifie tout, à l’unisson d’actrices qui le lui rendent bien. Superbe film, encore plus en nos temps post-Weinstein.

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