Les Inrockuptibles

Trois questions à David Grann

- Propos recueillis par N. K.

Comment avez-vous découvert ces meurtres ?

En visitant le Osage Nation Museum en Oklahoma il y a plusieurs années. Il y avait une photo, prise en 1914, qui montrait un rassemblem­ent a priori innocent de colons blancs et de membres de la nation osage. Mais une partie en avait été coupée. Quand j’ai demandé pourquoi à la directrice, elle m’a dit que s’y trouvait une figure si effrayante qu’elle avait dû la supprimer. Elle a pointé l’emplacemen­t vide et dit :

“Le Diable se tenait exactement là.”

Il s’agissait d’un des colons qui avait participé au meurtre systématiq­ue des Osages pour leur argent issu du pétrole. Les Osages ont coupé cette figure non pour oublier ce qui s’est passé, mais parce qu’ils ne peuvent pas oublier. Pourtant, nous sommes si nombreux, moi inclus, à ne pas avoir eu connaissan­ce de l’un des crimes les plus sinistres, d’une des injustices raciales les plus énormes de l’histoire américaine. Comment avez-vous enquêté ? Le livre, qui m’a pris près de cinq ans, a été mon projet le plus difficile. L’informatio­n était si dispersée, cachée dans tant d’archives. Il m’a fallu du temps pour retrouver les descendant­s des meurtriers et des victimes, des sources d’une grande valeur. Ce qui m’a surpris, choqué est l’ampleur des meurtres. Au départ, je pensais faire une sorte de thriller. Puis j’ai réalisé qu’il y avait eu une culture de la complicité, et le véritable nombre de morts était inouï, des centaines. Qu’est-ce que cela dit de l’Amérique ?

On ne peut pas saisir l’histoire des Etats-Unis sans comprendre le traitement des Indiens américains par les colons. Les meurtres d’Osages représente­nt une part importante de cette histoire : ils éclairent le péché originel sur lequel le pays est né. Et c’est un pan longtemps négligé de notre histoire qui doit être reconnu.

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