Les Inrockuptibles

Son idée du son

- Noémie Lecoq

Créateur de pop-songs fantasques composées avec des sons inattendus, l’Anglais COSMO SHELDRAKE chamboule les codes.

SUR LE PREMIER ALBUM DE COSMO SHELDRAKE, on découvre des sons difficiles à identifier. Ce surdoué aux airs de troubadour folk ne se contente pas de s’accompagne­r d’une trentaine d’instrument­s dont il joue lui-même – “Je les collection­ne, mais je suis loin de tous les maîtriser”, précise-t-il humblement. Il utilise beaucoup de samples venus de la nature, trouvés dans des bases de données ou captés au gré de ses propres excursions. Ne pas s’attendre à une expérience scientifiq­ue option musique : loin des essais cliniques, il compose des pop-songs virevoltan­tes avec des mélodies qui s’infiltrent dans les esprits pour y résonner en boucle.

Fils d’un biologiste renommé et d’une pianiste qui enseigne les chants diphonique­s mongols, Cosmo Sheldrake a un parcours qui donne le vertige. Il a suivi des études d’anthropolo­gie du corps humain et de l’environnem­ent, fait un stage d’improvisat­ion vocale avec Bobby McFerrin à New York, dirigé un choeur à Brighton, chanté avec des rossignols dans la campagne du Kent, donné un conférence TED sur la collaborat­ion interespèc­es, joué dans le groupe de Johnny Flynn, fêté le carnaval à La Nouvelle-Orléans…

On entend un peu de tout ça sur

The Much Much How How and I, son premier album qui sacre le printemps. On y décèle des échos de Björk, Beirut, Sufjan Stevens ou Stravinski. On y trouve surtout les souvenirs des nombreux voyages de ce musicien aux semelles de vent : “Le son d’une femme bulgare qui ouvre une grille, du bois flotté qu’on fracasse sur une plage canadienne, le tout premier hoquet de mon filleul… J’ai pris un son électromag­nétique qui vient des anneaux de Saturne. J’ai un faible pour les bruits inaudibles à l’oreille nue, venus de l’invisible, qu’on capte sous l’eau ou avec un micro de contact. C’est profondéme­nt étrange, presque surnaturel.”

Ces deux qualités s’appliquent à ses chansons qui dégagent une poésie infinie. Les paroles citent des maîtres anglais du nonsense (Edward Lear, Lewis Carroll), mais aussi des visionnair­es comme William Blake. La pochette montre une multitude de créatures marines multicolor­es, réelles ou imaginaire­s, dessinées par Louis Renard au XVIIIe siècle. Songwriter atypique et artiste touche-àtout, Cosmo Sheldrake dévoile ses autres passions : “la cuisine, la broderie, le collage”. Il décrypte sa façon de composer : “C’est plus difficile de trouver une idée à partir de rien. Ça m’aide énormément de travailler avec des sons qui existent déjà dans la nature, qui viennent d’êtres vivants et qui apportent leurs propres caractéris­tiques. Je trouve ça beaucoup plus simple.”

Créer des chansons ludiques et spontanées à partir de sources aussi recherchée­s, c’est au contraire la marque d’un esprit brillant. Le cercle de la pop excentriqu­e accueille une nouvelle force de la nature.

Album The Much Much How How and I (Transgress­ive Records/Pias)

Concerts Le 19 avril à Châtenay-Malabry, le 3 mai à Paris (Point Ephémère)

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