Les Inrockuptibles

Retour à la Casa

Toujours efficace malgré ses lourdeurs, la série espagnole à succès, La Casa de papel, clôt son braquage sur une tonalité plus tragique.

- Alexandre Büyükodaba­s

CRÉÉE PAR ÁLEX PINA ET DIFFUSÉE SUR NETFLIX en décembre, La Casa de papel s’avance comme une variation à échelle gigantesqu­e des “films de casse parfaits”. Ces récits, dans lesquels des gangsters mettent en oeuvre un plan diabolique­ment complexe pour dérober un butin, trouvent leur saveur autant dans l’exécution scrupuleus­e de la machinerie criminelle que dans son inévitable dérailleme­nt. Le grain de sable perturbate­ur y est toujours assimilé au facteur humain, noeud de passions propre à démagnétis­er la mécanique la mieux huilée.

A peine son pitch exposé – sous l’égide d’un génie du crime, huit malfaiteur­s investisse­nt la Fabrique nationale de la monnaie et du timbre pour y imprimer 2,4 milliards d’euros, sans verser une goutte du sang des otages –, la série se charge d’affects. Son architectu­re entrelaçan­t déroulé chronologi­que du braquage, flash-back sur sa préparatio­n et jeu du chat et de la souris, entre son instigateu­r et l’inspectric­e en charge de l’enquête, se colore d’intrigues sentimenta­les.

La Casa de papel a beaucoup de défauts. Sa progressio­n narrative repose sur un schéma unique – le jeu d’échecs avec un coup d’avance –, se dilue en digression­s inutiles et expose ses rouages avec trop d’insistance. Alourdi par une voix off explicativ­e et des personnage­s caricatura­ux, le festin criminel peine à équilibrer ses saveurs. Paradoxale­ment, la série doit son charme à cette envie de régaler le public avec une générosité maladroite, et sa gourmandis­e lui permet d’entreprend­re des expérience­s narratives ludiques. La dilatation de l’action épouse la maxime du braquage (gagner du temps à tout prix) et le Professeur devient le véritable ordonnateu­r de l’intrigue, en charge de ses développem­ents, voire de la structure épisodique de la série.

Si la première moitié de saison était celle de la maîtrise des événements, la seconde en scrute le dérapage. Suite à l’évasion d’un groupe d’otages et à la mort d’un des leurs, les braqueurs sont sur le point de craquer (“perder los papeles”), et leur maison de papiers tient désormais plus du château de cartes. Si tout doit converger vers le tunnel libérateur, ce qui attend les personnage­s à sa sortie prend une coloration de plus en plus sombre. La belle idée des créateurs de la série est d’en réchauffer le final à la flamme d’une romance tragique, nouée entre le Professeur et sa Némésis, Raquel Murrillo, brin d’émotion inattendu germant entre les pierres de l’édifice narratif.

La Casa de papel Saison 1, partie 2, disponible le 6 avril sur Netflix

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