Les Inrockuptibles

45t et puis reviennent

- Christophe Conte

Parmi la sélection 2018 du Disquaire Day, deux coffrets aux trésors rassemblan­t les singles de WIRE et des UNDERTONES, groupes punks affranchis qui bouleversè­rent la pop.

À L’ORIGINE, IL Y AVAIT PEU DE CHOSES EN COMMUN entre les teignes prolos de Londonderr­y et les étudiants esthètes de Londres. Si l’on ajoute, sur la ligne médiane qui relie l’Irlande du Nord à la capitale anglaise, les Buzzcocks de Manchester, on tient pourtant le trio magique du punk mélodique et lapidaire, dont la concision du geste n’aura en rien atténué la grandeur du propos, ni l’ampleur de l’impact.

Aussi ces deux boîtes qui renferment aujourd’hui neuf singles de Wire et treize des Undertones sont pleines d’une charge radioactiv­e dont on constate encore les effets quarante années plus tard. Ne serait-ce que pour deux de ces 53 titres cumulés – Teenage Kicks des Undertones et Outdoor Miner de Wire –, on pourrait à l’aise boucler le dossier et conclure que la pop en fut à jamais retournée, pressée au pouls par ces jeunes garçons qui semblaient jouir en jouant, et jouer leur vie sur moins de trois minutes. Les albums des uns et des autres sont autant de pièces maîtresses de leur endurance durant la période, mais c’est sur les sprints des singles qu’ils se

En ajoutant les Buzzcocks à Wire et aux Undertones, on tient le trio magique du punk mélodique et lapidaire

révèlent impériaux, évoluant au fil des saisons tout en conservant leur sève initiale.

Chez les Undertones, la cheville ouvrière se nomme John O’Neil mais l’atout majeur est sans conteste Feargal Sharkey, un ancien scout au falsetto reconnaiss­able à la seconde, qui se montrera aussi décisif sur les premières déflagrati­ons (Jimmy Jimmy, Here Comes the Summer) que sur les mèches plus sensibles (Wednesday Week), pour finir en apothéose en parfait cousin chafouin de Smokey Robinson, attendri et plein de larmes sur Julie Ocean ou d’allégresse sur The Love Parade. Séparés en 1983, puis reformés (sans leur chanteur) en 1999, les Nord-Irlandais ont réussi à bourrer leurs singles de faces B qui méritent aussi un nouveau tour de piste sur les platines, dans leur imbattable format originel.

Moins débordants de sébum mais tout aussi percutants, les quatre mousquetai­res de Wire ont accordé leur nom à leur acte en isolant en singles leurs titres les plus électrisan­ts, et c’est cette énergie sèche mais raffinée que l’on retrouve sur les magistraux I’m the Fly, Dot Dash, A Question of Degree ou

Our Swimmer. Leur réputation d’intellos du punk anglais a tenu avantageus­ement Colin Newman et ses adjoints éloignés des petites batailles de coqs du NME, mais leur son abrasif, innervé de trouvaille­s expériment­ales, comme leurs textes globalemen­t imbitables, les ont aussi préservés du folklore puéril de l’époque. La période documentée par ces neuf singles est courte de trois années seulement – celle des albums Pink Flag, Chairs Missing et 154, réédités par ailleurs le mois prochain – mais elle semble circonscri­re à elle seule l’esprit post-punk, par sa radicalité et ses mystères non résolus.

Wire Nine Sevens (coffret 9 × 45t, Pink Flag) The Undertones Singles Box

(coffret 13 × 45t, Warner)

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The Undertones
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