Les fleurs sauvages
Avec leur quatrième album, Mirror Might Steal Your Charm, THE GARDEN s’enfonce toujours plus loin dans la dinguerie punk-rock. Un duo trop sous-estimé.
ILS ONT TOUT POUR EUX : la gémellité fascinante, la beauté, le look, l’arrogance, l’énergie, l’originalité, l’hybridité, des clips atypiques, la construction d’un monde. Bref, Wyatt et Fletcher Shears auraient dû être au sommet. Et pourtant, leur duo The Garden semble s’essouffler.
Sept ans qu’ils jouent, tournent, sautent. Sept ans, trois albums, quatre ep et un amour du punk-rock à la sauce arty inaltérable. C’est la même guitare furieuse et la même batterie rageuse qui portaient leur premier album, The Life and Time of a Paperclip, et soutiennent leur dernier, Mirror Might Steal Your Charm. Entre les deux, le déploiement d’un univers né de la folie d’une bête à deux têtes avide de liberté quitte à tout envoyer valser. Il n’y a qu’à se “binge watcher” leurs clips pour s’en convaincre : l’inquiétude, l’étrangeté, l’angoisse, la libération, le fun, la baston s’entremêlent dans une joyeuse explosion visuelle, miroir de leur musique de cavalcade et de pulsions où les embardées sont nombreuses, les virages serrés, la jeunesse à fleur de peau.
The Garden a fait du paradoxe l’essence de son projet artistique : le premier et le second degré se troublent jusqu’à ne plus rien vouloir dire. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Sept ans après, il est toujours aussi dur de le savoir. Fletcher, à qui nous posons la question par téléphone, répond : “Je ne suis pas certain de ce que je veux accomplir, juste continuer sur ce chemin. Si ça dure longtemps, super. Sinon, le plus important c’est que mon frère et moi soyons heureux dans ce que nous faisons. Si nous ne l’étions pas, je ne verrais pas l’intérêt. Ce qui m’intéresse, c’est le voyage, peu importe la destination.”
Justement, le premier single de
Mirror Might Steal Your Charm s’intitule No Destination. Un titre génial avec sa ritournelle au piano, son refrain entêtant, sa furie tapie dans l’ombre, le meilleur passage de cet album inégal qui se veut parfois trop atypique pour l’être vraiment, comme si les fils dont il était cousu s’avéraient trop voyants pour l’ourlet qui méritait de la délicatesse.
Fletcher et Wyatt ont bossé cet album tous les deux avec un pote ingé son. Ils n’en disent rien de plus, à part que oui, leurs costumes de fou du roi sont une métaphore de leurs rôles d’entertainers qu’ils affectionnent, sans chercher à dénoncer une quelconque société du spectacle. Concernant la créativité de leurs clips, Fletcher répond stratégie : “Aujourd’hui, beaucoup de gens regardent YouTube et jugent les groupes par leurs vidéos. Les clips sont donc importants puisqu’ils participent à l’appréciation d’une musique et à l’esthétique d’un groupe.”
Fletcher tait la source de leur inspiration, admet tout juste l’influence de leur père, musicien dans des groupes punk d’Orange County (Californie), dans les années 1980, et lâche en riant : “Je continue chaque année à faire des défilés, des campagnes de mode (ils ont commencé avec Hedi Slimane chez Saint Laurent – ndlr), mais quand je bosse avec des marques, ce n’est pas pour des raisons créatives, mais pour être payé !” Punk ?