Les Inrockuptibles

Mais qui chante Mai ?

- JD Beauvallet

On ne sait pas si un jour, sur Apple Music, il existera une playlist “Les années zadistes”. En France, on est assez fortiches pour faire la révolution, écrire sur les murs des punchlines qui disqualifi­ent au niveau uppercut, humour, poésie et virulence beaucoup de rappeurs d’ici. Mais on n’est pas fichu de trouver aux insurrecti­ons les BO qu’elles réclament. Aux Etats-Unis, en Angleterre, tous les grands mouvements sociaux ont été accompagné­s, précédés, parfois suivis de musique : N.W.A. pour les émeutes de L.A. en 1992, The Clash pour les troubles anglais de 1981, le MC5 ou les Temptation­s pour les soulèvemen­ts de Detroit en 1967… Souvent, dans ce magazine, on a demandé à des artistes français pourtant radicaux comment ils avaient vécu Mai 68 : Gainsbourg nous répondit qu’il s’était réfugié, indifféren­t, dans un palace. Christian Vander de Magma qu’il préféra s’autodétrui­re pépère en Italie. La liste serait longue. Bien sûr, il y eut des exceptions, principale­ment venues de la chanson française, comme le très jeune Renaud, Evariste ou Dominique Grange. Mais hormis Léo Ferré, personne de la trempe d’un Brassens ou d’un Brel, déjà trop vieux, ne vint vraiment amplifier le brouhaha, comme les Stones (Street Fighting Man) ou les Beatles (le débattu Revolution) le firent en Angleterre. C’est comme si Mai 68 avait été chose trop sérieuse pour y mêler la pop culture, comme si les insurgés avaient considéré le rock comme une invention impérialis­te à tenir à distance. C’est dommage, car les mêmes slogans, mis en musique psychédéli­que ou en free-rock, des musiques que certains tentaient d’adoper ici (on pense très fort au groupe Red Noise de Patrick Vian), auraient donné une caisse de résonnance au vol des pavés. Pendant que la jeunesse hurlait “non ! non !” au vieux monde, la musique d’ici faisait surtout “yé-yé”.

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