Les Inrockuptibles

Game Night de John Francis Daley et Jonathan Goldstein

Dans le paysage sinistré de la comédie US des années 2010, un beau sursaut avec cette hilarante histoire de jeu qui tourne mal.

- Jacky Goldberg

L’HISTOIRE DE LA COMÉDIE AMÉRICAINE s’est toujours écrite en dents de scie, et il fallait s’attendre à ce que, une fois touché le fond de la piscine (avec, au hasard, #Pire soirée), celle-ci remontât tôt ou tard. Il est peut-être prématuré de voir en Game Night le début d’une reconquête du beau et du drôle, mais c’est à n’en pas douter la meilleure comédie mainstream vue sur un écran de cinéma ces dernières années – mettant donc de côté les séries TV, ainsi que certains films auteuriste­s ou trop singuliers pour s’inscrire pleinement dans le genre (comme I LoveYou Daddy ou The Disaster Artist).

Cette réussite est d’autant plus frappante qu’elle provient d’un sombre recoin : la high concept comedy, ou comédie basée sur une (seule) bonne idée, qui fait généraleme­nt pschitt après l’exposition. La paire de réalisateu­rs, Jonathan Goldstein et John Francis Daley, s’étaient jusqu’ici plutôt fait la main comme scénariste­s, signant justement quelques spécimens du genre : les faiblards Comment tuer son boss (2011) ou Vive les vacances (2015, qu’ils ont également réalisé), les plus convaincan­ts quoique imparfaits L’Incroyable

Burt Wonderston­e (2013) ou Tempête de boulettes géantes 2 (2013). C’est aussi eux qui furent chargés, l’été dernier, de tirer toutes les potentiali­tés comiques de Spider-Man: Homecoming – avec brio.

Aujourd’hui, bien qu’ils n’aient pas écrit Game Night (un certain Mark Perez s’en est chargé), ils sont parvenus à en exploiter à merveille le concept. Quel est-il ? On pourrait le décrire

– et parions que c’est ainsi qu’il l’a été à ses producteur­s – comme un remake comique de The Game de David Fincher, avec un yuppie arrogant (Kyle Chandler), kidnappé à l’occasion d’une murder party, son frère (Jason Bateman), la femme de celui-ci (Rachel McAdams) et leurs naïfs amis partis à sa recherche, des mafieux et un flic flippant (Jesse Plemons, sosie joufflu de Matt Damon qui emporte le morceau à chaque apparition).

Si la promesse de faux-semblants et de retourneme­nts tous azimuts est tenue, c’est à un carburant autrement plus puissant que tourne le film : quasiment tous les registres comiques (de situation, de vannes, pop, burlesque, absurde) sont maîtrisés par Daley et Goldstein, ainsi que par leur impeccable cast qui joue la partition en rythme, avec quelques beaux solos (on avait oublié à quel point Rachel McAdams savait faire rire). Effréné sans être frénétique, malin sans être finaud, caustique sans être cynique, Game Night est une mécanique de précision comme on en voit peu aujourd’hui.

Game Night de John Francis Daley et Jonathan Goldstein, avec Kyle Chandler, Jason Bateman (E.-U., 2018, 1 h 40)

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