Nico, 1988 de Susanna Nicchiarelli
Les dernières années de la sublime et indomptable Nico.
COMME D’AUTRES SUPERSTARS WARHOLIENNES – et elle fut sans doute la plus grande –, Nico s’est très vite brûlé les ailes. Après du mannequinat et une petite carrière d’actrice en Europe, elle participe de façon éphémère mais mémorable au Velvet Underground à New York. C’est seulement ensuite qu’elle se singularisera artistiquement, tout en s’abîmant dans l’héro (avec ou sans Philippe Garrel, dont elle fut longtemps l’égérie). Six mélancoliques albums solo se succèdent, hantés par sa voix spectrale et son harmonium lancinant, jusqu’à sa fin accidentelle en 1988.
Au lieu du biopic ordinaire, la réalisatrice a préféré retracer les dernières années de la vie de Christa Päffgen, alias Nico, ses galères hautes en couleur sur les routes improbables d’Europe avec un groupe et son amour pour son fils Ari, l’enfant secret qu’elle eut avec Alain Delon. Nico est incarnée par la Danoise Trine Dyrholm, qui se sort avec brio du rôle et chante elle-même les chansons. On ne peut pas ne pas ressentir un frisson lors de son interprétation d’All Tomorrow’s Parties du Velvet.
Le film reste au ras du vécu ordinaire de cette figure sublime mais indomptable, avec un tempo et un ton plutôt picaresque, sans s’appesantir sur la reconstitution historique. Exemple : l’épisode burlescokafkaïen de sa tournée de l’autre côté du rideau de fer, bien plus intéressant qu’une énième reconstitution de la Factory de Warhol. Cela dit, le parcours est aussi entrecoupé de flashs de films de Warhol ou de l’environnement de Nico à New York, ramenant l’ange déchu à sa splendeur passée ; idée convenue mais plus élégante que des flash-backs traditionnels.
De ce road-movie sur un groupe de seconde zone, oscillant entre drame et farce, émerge contre vents et marées, même au milieu des épisodes les plus piteux, la figure flamboyante de Nico, icône ultime du rock. Cela contribue à cerner le principe warholien selon lequel le concept de star peut être dissocié de la notion de célébrité ; c’est plus une question de lumière que de popularité. C’est en tout cas ce que suggère ce modeste petit film, qui restitue son éclat à cette instable fille du IIIe Reich, lancée dans le monde comme une pénitente sépulcrale vouée à expier l’enfer aryen. La plus belle figure germanique du XXe siècle avec Marlene Dietrich.
Nico, 1988 de Susanna Nicchiarelli, avec Trine Dyrholm (It., Bel., 2017, 1 h 37)