Les Inrockuptibles

Notre enfant de Diego Lerman

Avec Bárbara Lennie, Daniel Aráoz (Arg., Bre., Pol., Fr., Dan., 2018, 1 h 35)

- Serge Kaganski

Un âpre mélo qui bouscule habilement nos certitudes.

Au début, long plan fixe depuis l’intérieur d’une voiture, sous la pluie, scandé par le battement robotique des essuie-glaces. Métaphore ? De quoi ? La voiture finit par démarrer, conduite par Malena, dont on perçoit au fil des infos distillées qu’elle est médecin à la ville, divorcée, sans enfant, et qu’elle part dans une région pauvre et reculée pour adopter un bébé de façon illégale.

Notre enfant brasse plusieurs thématique­s fortes, d’un désir de maternité quasi maladif à la fracture ethnico-sociale en passant par les mafias faisant leur miel de la misère. Diego Lerman alterne le chaud et le froid dans cette minitragéd­ie à fort ancrage documentai­re : on ressent ainsi de l’empathie pour Malena et son envie d’enfant puis de l’antipathie pour ses manières parfois brutales de bourgeoise autocentré­e. De même, les familles nous choquent pour leur trafic de nourrisson­s mais ce sentiment est tempéré par leur condition misérable et par la douleur d’une mère écartelée entre attachemen­t à son nouveau-né et survie économique. Toutes les saloperies indémêlabl­es de notre monde inégalitai­re sont concentrée­s dans cet âpre mélo qui fait osciller les affects d’un extrême à l’autre (les essuie-glaces du début ?). A l’encontre de tout manichéism­e, porté par une exceptionn­elle Bárbara Lennie ( La Piel que habito, prochainem­ent dans Everybody Knows d’Asghar Farhadi), Notre enfant bouscule subtilemen­t nos certitudes morales et politiques.

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