Les Inrockuptibles

Une potiche dans un pastiche poussif

Une direction artistique qui s’inspire de façon appuyée de Mad Men, mais un pitch qui ne tient pas ses promesses.

- Iris Brey

LES DÉCORS SONT AU NIVEAU, les costumes aussi. Marie Gillain, qui incarne Christine Beauval, la présentatr­ice star de la RTF (télévision publique pré-ORTF), est parfaite dans son tailleur rose à la Jackie Kennedy. Avec son mari, le patron de la chaîne, et leurs deux enfants, ils incarnent la famille parfaite des années 1960. Mais le couple modèle se met à dérailler lorsque la meilleure amie de leur fille est assassinée. Dès le deuxième épisode, Speakerine se perd en superposan­t cette intrigue policière à la trajectoir­e émancipatr­ice de Christine Beauval qui tente de se libérer d’un mariage barbant et de son image de belle plante passive. Mais aucune émotion ne transparaî­t, alors que la famille Beauval traverse de multiples drames abracadabr­ants.

Les cinq scénariste­s de Speakerine (Véronique Lecharpy, Nicole Jamet, Sylvain Saada, José Caltagiron­e, Valentine Milville) ajoutent à cette enquête préfabriqu­ée une deuxième intrigue qui se complaît dans les stéréotype­s : l’arrivée d’Isabelle, speakerine remplaçant­e, maladiveme­nt jalouse de Christine Beauval, prête à tout pour supprimer sa rivale. Contrefaço­n de notre Joan adorée de Mad Men (même coiffure,

robe moulante, pose lascive penchée au-dessus du bureau), le personnage d’Isabelle, quant à lui, ranime un vieux réflexe scénaristi­que. Celui d’opposer la méchante femme tentatrice sexuelle à la gentille mère de famille, la femme vénale et ambitieuse à celle qui a le coeur sur la main.

On sent bien que Speakerine voulait être une série dans l’air du temps, où Christine Beauval serait une héroïne féministe et progressis­te, où la distance historique permettrai­t de tenir un discours sur la guerre d’Algérie. En laissant de côté le crêpage de chignons et une intrigue policière inutile, Speakerine aurait pu prendre le temps de suivre la mue de Christine. Celle d’une femme enfermée dans sa vie conjugale comme dans le cadre de l’écran de télévision, qui réussit à sortir de son existence en noir et blanc, lorsqu’elle prend conscience de son désir de faire émerger d’autres voix féminines avec sa propre émission, des histoires qu’on n’entend jamais. Voilà la trajectoir­e engloutie de Christine, qui aurait été follement moderne à raconter dans notre ère post-MeToo.

Speakerine Saison 1, les lundis à 20 h 55 sur France 2

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France