Les Inrockuptibles

L’espion qui traînait

- Nelly Kaprièlian

JOHN LE CARRÉ fait revenir George Smiley pour dénoncer le Brexit, mais très lentement.

QU’EST-CE QUE NOUS AURA LÉGUÉ l’espionnage au cours des dernières décennies ? Après la guerre en Irak, par exemple, pour cause de soi-disant armes de destructio­n massive détenues par Saddam Hussein, devrait-on se méfier des services secrets ou de la manipulati­on que les politiques font de “l’intelligen­ce” ? Des questions passionnan­tes que John le Carré tente d’aborder ici.

Sauf qu’il nous fait remonter le temps sur plus d’un demi-siècle, en pleine guerre froide, précisémen­t dans l’intrigue de son premier roman, L’espion qui venait du froid. Guillam, l’acolyte du héros fétiche de le Carré, George Smiley, alors à la retraite en Bretagne, est convoqué à Londres par le MI6 pour enquêter sur deux morts survenues au pied du mur de Berlin, pendant l’opération Windfall (ces noms…). Leurs descendant­s portent aujourd’hui plainte. Guillam ment, Smiley est introuvabl­e, et John le Carré a 86 ans. De quoi plomber le roman d’un regard sur la jeunesse (incarnée par deux jeunes agents) des plus clichés, et par une lenteur des plus ennuyeuses.

Car le lecteur aura des pages et des pages de rapports de l’époque à se taper s’il veut y comprendre quelque chose. A la fin, ceux qui auront eu la patience et le courage d’aller jusqu’au bout, comprendro­nt que le Carré a voulu régler ses comptes avec le Brexit. “Donc tout ça, c’était pour l’Angleterre alors ? Mais l’Angleterre de qui ? L’Angleterre de quoi ? L’Angleterre isolée, citoyenne de nulle part ? Je suis un Européen, Peter.” Nous aussi. Mais ce qu’on veut, en plus, c’est un agent secret d’aujourd’hui.

L’Héritage des espions (Seuil), traduit de l’anglais par Isabelle Perrin. 320 pages., 22 €

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