Gaëtane Lamarche-Vadel
Le Double Nom (Verticales), 126 pages, 12,50 €
Entre analyse linguistique et autofiction, un livre singulier qui retrace l’expérience de la fusion de deux êtres en un “double nom”.
En juillet 1968, Gaëtane Vadel rencontre Bernard Lamarche aux PUF, place de la Sorbonne, où “l’air est encore encombré de gaz lacrymogène”. Ils forment bientôt un couple et associent leurs noms respectifs en un seul bloc, concevant ainsi une sorte de trait d’union amoureux hors mariage, aussi étrange que scandaleux à l’époque. Voici le point de départ du Double Nom, premier récit de la philosophe Gaëtane Lamarche-Vadel. Un livre singulier sur un sujet peu commun, ce nouveau nom qui, écrit l’auteure, “issu de la fusion clandestine et magique de deux états civils, les positionne tous les deux au début d’un cycle de vie”. Les premiers chapitres retracent l’histoire de ce couple insolite. Des pages lumineuses, portées par cette vérité brute, immédiate, qui caractérise l’autofiction, quand elle sait plonger au plus profond des sentiments, du vécu. Lamarche-Vadel donne une existence, un corps et une âme, à ce “ils”, cette personne formée d’elle et de lui. Elle retrace les étapes de la formation d’une signature plurielle, compare les origines, les profils, les personnalités. “Elle est étudiante, il est magasinier. Elle est en maîtrise de philo à Nanterre ; la lutte des classes, la critique de la société de consommation, les relations entre Freud, Marx, Nietzsche que Lyotard propose d’explorer en séminaire, la mobilisent beaucoup plus que ces territoires fantastiques de la création littéraire. L’engagement est pour elle dans la rue, dans les facs, aux portes des usines, tandis que lui taxe ces révoltes de petites-bourgeoises.”
Le double nom est une histoire vraie autant qu’une fiction appliquée, une imposture juridique autant qu’une expérimentation existentielle. C’est aussi un essai qui ouvre à la réflexion sur le patronyme et son diktat, à l’origine même de nos vies. Cela reste enfin et surtout, jusqu’à la dernière page, ces mésaventures d’un couple qui mit en péril les normes de la nomination, en paya les conséquences, mais s’affirma par là même. Un geste dont la radicalité pourrait être rapprochée du transgenrisme contemporain, bien que l’auteure préfère à juste titre comparer son expérience à celles que l’on trouve désormais sur internet où les pseudonymes, alias et autre avatars créent sans cesse de nouvelles formes d’identité, et de nouveaux noms à revêtir.