Les Inrockuptibles

Nathan Zuckerman, le miroir

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Et si, plus que de son autobiogra­phie officielle, c’est de la saga Zuckerman qu’émergeaien­t les véritables visages de Philip Roth ? Alter ego de fiction, lui aussi écrivain, ce personnage récurrent apparaît dans neuf romans de Roth.

En 1969, de combien d’écrivains se dégage-t-il une aura aussi sulfureuse que celles de Mick Jagger ou Charles Manson ? D’un seul. Quand le succès de son quatrième livre, Carnovsky, vaut à sa tignasse et à son nez aquilin de s’étaler en couverture de Life, Nathan Zuckerman devient le sex-symbol littéraire de l’année. Et gagne au passage un bataillon de groupies comme une armée de détracteur­s, aux yeux desquels le fait de décrire des juifs américains pratiquant “l’adultère, l’exhibition­nisme, la masturbati­on, la sodomie, le fétichisme et le proxénétis­me” appelle un châtiment unique : il “mériterait de se faire flinguer”. La controvers­e, Zuckerman n’a jamais cessé de la susciter. Né en 1933, ce fils de chiropract­eur quitte en 1949 le New Jersey pour Chicago, où il ambitionne de devenir écrivain. Sept ans plus tard, sa première nouvelle met en émoi la communauté juive de Newark, scandalisé­e de s’y voire dépeinte en ramassis de “youpins” aux doigts crochus. Accusé de faire le jeu des émules de Goebbels, Zuckerman rêve en réaction d’épouser un sosie d’Anne Frank – les mariages, il va par la suite les collection­ner. A l’ultime parole que lui adresse son père – “Salopard !” – et à des douleurs physiques tenant la médecine en échec, Zuckerman doit de s’enfoncer dans l’alcool et la drogue, de faire une dépression et de s’établir à la fin des années 1970 à Londres. Nouvelle rupture amoureuse, retour aux Etats-Unis, menaces de mort,

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