Les Inrockuptibles

Caballero & JeanJass

Double hélice 3 Universal Les Method Man et Redman du rap francophon­e reviennent avec un troisième volume de Double hélice. Un buddy-movie plein d’autodérisi­on.

- Maxime Delcourt

TOUT A CHANGÉ AUTOUR D’EUX, mais l’ambition reste la même : Caballero & JeanJass, c’est toujours l’union de deux Saiyans qui font “une prière en rap pour qu’on ait tous des billets en rab et pour briller en Ralph”. Au point de n’exceller que dans l’egotrip fait de rimes internes et multisylla­biques ? Pas une contre-vérité, mais un stéréotype, dans le sens où les deux Belges, à l’image de ce qu’ils avaient déjà pu développer avec Un endroit sûr, traînent par instants leurs plumes dans la crasse d’un monde qu’ils observent avec nostalgie (“La vie avait un goût d’insoucianc­e quand on était môme”).

Certains regrettero­nt sans doute l’absence de tubes aussi puissants que

On est haut ou Sur mon nom, mais il faut rétablir la vérité : c’est aussi lorsqu’ils délaissent les bangers et reviennent à un style plus posé que Caballero & JeanJass portent le mieux leur bonnet d’entertaine­r. Avec des figures de style comme effets spéciaux, des clins d’oeil à la pop culture ( Mario Bros., Forrest Gump, les cartes Panini, etc.), des punchlines fortement dosées en testostéro­ne, des rimes rigolardes qui ne virent jamais à la clownerie et un casting hautement bankable (Sofiane, Hamza, Roméo Elvis, Krisy), Double hélice 3 n’est pas pour autant un blockbuste­r. C’est un buddy-movie où la complément­arité entre les deux

personnage­s phares sublime chaque seconde, où Caballero & JeanJass, “inséparabl­es comme le joint et le sky”, déploient un flow d’une richesse dans les intonation­s et d’une maîtrise dans le contrôle du beat qui tranche avec leur je-m’en-foutisme (comme lorsqu’ils nomment un titre Pepsi pour finalement ne mentionner que Coca-Cola…) et leur faculté à déblatérer avec talent autour de sujets apparemmen­t opposés : le sort des migrants, l’augmentati­on du prix du cheeseburg­er, ces gens qui ne se lavent pas les mains en sortant des toilettes ou encore la chirurgie esthétique (“Le seul faux-cul à qui je tendrai la main est celui de Nicki Minaj”).

En clair, Double hélice 3, c’est l’album de deux potes défoncés qui, depuis leur canapé, constatent avec lucidité que Le monde a changé, ressassent leurs peines amoureuses (A2), rêvent de Californie, revendique­nt d’être Toujours les mêmes et s’éclatent à incarner différents rôles. On les découvre tour à tour en kickeurs jamais aussi à l’aise que dans un rap technique, en seriallove­rs, en flambeurs ou en astronaute­s qui, avec toujours ce souci de nourrir leurs rimes d’autodérisi­on et de gimmicks efficaces, ne visent finalement qu’une chose : l’infini et l’au-delà.

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