Les Inrockuptibles

Mon ket de François Damiens

Avec lui-même (Fr., 2018, 1 h 29)

- Bruno Deruisseau

Un dispositif de caméra cachée dilué dans une comédie grasse et surproduit­e

A quoi tient le ressort comique qui motorise les caméras cachées ? Cet humour fallacieux joue sur une forme de cruauté dans les répartitio­ns de l’informatio­n entre le piégé et le piégeur. Cette inégalité entre celui qui sait, qui maîtrise la situation, et celui qui ignore, qui se fait manipuler, est à la base de toute bonne séquence de caméra cachée. Le spectateur se place du côté de la connaissan­ce, il scelle avec le piégeur un pacte basé sur le partage d’informatio­n. Il profite de la supercheri­e qui se déroule sous ses yeux, le piégeur l’exécute. Au-delà de ce comique de dispositif, il peut également jouir d’un fragment de réel volé, d’une spontanéit­é certifiée authentiqu­e, capturée dans des conditions de voyeurisme quasi parfaites. Pour signer son premier film en tant que réalisateu­r, l’acteur et humoriste belge a fait le choix de revenir à ses premiers amours, la caméra cachée, sous la forme d’un long métrage. Mais Mon ket n’est pas un film à sketches se déroulant entièremen­t en caméra cachée. Le film est doté d’un “scénario” et de séquences où des acteurs récitent leur texte entre eux, face à des caméras bien visibles, sans qu’on puisse les différenci­er clairement des parties en caméra cachée. En l’embrouilla­nt avec la fiction, François Damiens – ici tout en postiches et en prothèses dentaires – trahit complèteme­nt le dispositif qui l’a fait connaître. Au centre de ce film en forme de piège inopérant, orgueilleu­x et factice, l’acteur semble beaucoup s’amuser. Il est bien le seul.

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