Les Inrockuptibles

A$AP Rocky

Appuyé par une multitude de featurings, A$ap Rocky défriche de nouveaux territoire­s.

- François Moreau

LA POCHETTE DE “TESTING” RESSEMBLE À L’AFFICHE d’un énième épisode du blockbuste­r Fast and Furious et, au vu du casting rassemblé autour de Rakim Mayers et des ambitions affichées par le prodige du rap made in Harlem, ce n’est peut-être pas un hasard.

Dans une récente interview accordée au bimensuel US Complex, A$AP explique qu’il a repoussé la sortie de ce troisième album, initialeme­nt prévue l’année dernière, car il n’était pas satisfait des premières moutures. Quitte à s’éloigner des radars pendant un temps : “Je préférerai­s toujours que ma musique provoque chez les gens un changement d’humeur, un soulagemen­t, ou n’importe quel sentiment ou réaction, plutôt que de faire de la musique dans le seul but de rester pertinent au regard de ma cote de popularité.” Une façon de rappeler que, bien qu’à la tête d’un petit empire entreprene­urial, Mayers a surtout des aspiration­s artistique­s.

Sur Testing, il réunit ainsi Moby, T.I., Kid Cudi, Kodak Black, Juicy J, French Montana, Frank Ocean, ou encore FKA Twigs et s’entoure de la fine fleur des producteur­s londoniens, Dean Blunt et le génial Skepta en tête. Avec Praise the Lord (Da Shine), le pionnier de la scène grime offre d’ailleurs à A$AP Rocky, qui claque un “and I’d like to give a shoutout to my niggas with the game plan” mâchoire serrée façon 50 Cent, l’une des prods les plus clinquante­s depuis Goldie. Pleine de digression­s stylistiqu­es, A$AP Forever

est quant à elle un vertige, qui passe par des territoire­s bling et hardcore à base de “I’m just pimpin’ like I’m supposed”, pour ensuite se diriger vers des moments plus contemplat­ifs, convoquant les nappes plus ambient et le beat trip-hop d’un sample du Porcelain de Moby, parcouru par la voix sublime de la chanteuse Khloe Anna.

Plus qu’un recueil de choix artistique­s forts, Testing témoigne surtout de la métamorpho­se d’A$AP Rocky depuis la mort de Yams en 2015. Si la présence fantomatiq­ue du fondateur du collectif A$AP Mob demeure, le jeune Rakim Mayers prend ici son envol en solo, assumant pleinement l’héritage laissé par son mentor et prouve une fois encore (il faut réécouter les Cozy Tapes,Vol 2: Too Cozy, du collectif, sorties l’année dernière) qu’il est capable de bâtir autour de lui. Tous, de A$AP Lou à A$AP Twelvyy en passant par A$AP Ant, louent sa capacité à construire sa propre légende, tout en défrichant les routes pour la jeune garde du rap US, dans le cadre d’un collectif aux frontières stylistiqu­es toujours plus floues. Ceux qui en douteraien­t encore n’auront qu’à écouter Die Lit, le premier album de Playboi Carti.

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