Les Inrockuptibles

La Nuit de Julien Selleron

- Bruno Deruisseau

(Fr., 2015, 1 h 05)

Un documentai­re séduisant autour du parcours festif de trois noctambule­s.

Le fantasme de filmer la nuit, de projeter son ivresse temporelle, festive, langagière et sensuelle sur toile est l’ambition de ce moyen métrage de Julien Selleron. Sa Nuit fait écho à celles d’Antonioni ( La Notte, 1961), de Grandrieux ( Malgré la nuit, 2015) ou de Rohmer

( Les Nuits de la pleine lune, 1984), à celles où les barrières de genre, d’âge et de classe se brouillent, à celles où les esprits s’enfument et se grisent. Mais sa Nuit est surtout la nôtre, embrassée dans sa trivialité la plus absolue, celle qu’on a tous vécue, d’appartemen­ts bondés en clubs miteux, pour s’achever en after auroral. Doté d’une approche documentai­re qui n’est pas sans rappeler l’émission Paris dernière de Thierry Ardisson, le film obéit à un dispositif simple : emboîter le pas de trois noctambule­s que l’on suit tour à tour. Mais à la différence du mythique programme télévisé, la mise en scène vise l’effacement de la caméra. Elle y parvient en plusieurs endroits, donnant au film ses moments de grâce et d’humour – le tour de magie du guest HPG, la blague du Samouraï de Belleville. Forcément limité techniquem­ent et inégal,

La Nuit est le portrait de notre attrait pour la fête, ce moment suspendu où la vacuité se change en remède aux angoisses du jour.

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